48 (1/2)/ Madame la Présidente.

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 Joe débarque à dix-sept heures, excitée comme une puce. Elle s'est mise sur son trente et un, ce qui signifie qu'elle a enfilé autre chose qu'un jean et une chemise. Et elle s'est maquillée.

– Vous êtes prêts ? Tim et Yann sont avec moi. Ils attendent dans la voiture. Passe chercher Madame Rodriguez et suivez-nous.

Elle repart comme elle était venue, en bondissant. Je traîne Lenni dans l'ascenseur.

Il avait décidé qu'il ne viendrait pas. Je l'ai sommé de cesser de faire l'enfant et de mettre une vêture correcte. Il y a une demi-heure à peine, il errait dans l'appartement, les cheveux hirsutes et habillé en tout et pour tout de son jean déchiré – du moins pour ce que je pouvais en voir. Je l'ai expédié dans la salle de bain, d'où il est ressorti un peu plus présentable. Il est toujours ébouriffé, mais il porte un nombre de vêtements suffisant et des baskets.

Madame Rodriguez nous attend devant chez elle, son sac à main en cuir pendu au coude. On descend au sous-sol, je fais monter tout le monde dans ma Golian et vais me ranger derrière Joe qui part aussitôt sur les chapeaux de roues.

Madame Rodriguez – que Lenni, dans un accès de galanterie inhabituel, a priée de s'asseoir à l'avant – discourt sur la position de Mars dans le ciel, qui selon elle entraînerait le dénouement de situations latentes.

– C'est bon signe, dit-elle en hochant la tête. Mars est une planète qui m'a toujours réussi.

Lenni ne dit rien, le nez collé à la vitre. Je le connais assez pour deviner qu'il a peur, malgré tout ce qu'on pourra lui dire.

Joe quitte la route pour s'engager sur le parking de la gare. Il est bondé, c'est l'heure de pointe. Je me demande si nous allons parvenir à nous garer. Madame Rodriguez se met à l'affût, la main en visière pour se protéger des rayons du soleil de fin d'après-midi.

– Là ! s'écrie-t-elle soudain en jaillissant hors du véhicule.

Elle cavale jusqu'à une place qui vient de se libérer et se plante dessus, l'air vindicatif. J'actionne le clignotant et lui fais signe de se pousser. Elle n'obtempère qu'une fois que j'ai engagé ma voiture. Plus loin, Joe a trouvé à se garer et arrive à présent vers nous, accompagnée de Tim et Yann.

– Salut, Chouchou. Tiens, tu as mis la veste que je t'ai offerte.

Tim ne tient pas en place. On dirait un fan qui va rencontrer sa star favorite.

– Tu te rends compte, Tao ? La Présidente ! Bon sang, c'est trop la classe.

Il se tourne vers Lenni qui ne partage pas son enthousiasme.

– T'es pas content ?

– Si, assure Lenni. Je saute de joie, là.

Joe nous entraîne au pas de charge dans le hall de la gare. Le train à destination de Paris part dans cinq minutes.

– Lenni, comment tu es venu en France ?

– Eurostar. Mais j'aime pas. Savoir qu'au-dessus de toi il y a des milliers de mètres cubes d'eau... La prochaine fois, je prendrai le bateau.

Tim commence un exposé sur le Titanic, mais Joe le tance.

– Allez, on se dépêche, le train part dans trois minutes !

On se presse sur le quai. Une foule y est déjà rassemblée. Madame Rodriguez se fraye un chemin à coups de sac à main et arrive avant nous tous. On monte dans le train et on se pose avec soulagement sur les banquettes un peu râpées.

Le train rallie Paris en moins d'une demi-heure. Une fois que nous avons débarqué, Joe regarde autour d'elle, pivotant sur la pointe des pieds comme une ballerine :

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