⚡︎ Chapitre 71 ⚡︎

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----She walked through my fire, she danced in my hell----

Sweet and dark - Miles Hardt


Rien n'a pu me sortir de cette torpeur depuis ce fameux jour. Les journées passent à une lenteur affolante. Chaque semaine, les filles me traînent dans un centre commercial, radotant sur les derniers potins au sein du gang et de l'université, ou débattant sur leurs nouvelles trouvailles shopping. Je les suis tel un fantôme, les écoutants déblatérer d'une oreille distraite, bien loin de toutes ces futilités. Je sais qu'elles tentent leur possible pour me redonner le sourire, se relayant de leur mieux pour ne pas me laisser seule face à mes démons. Personne n'ignore le fait que je me comporte comme une étrangère dans mon propre corps, tournant chaque nuit dans la maison silencieuse pour éviter les cauchemars qui m'assaillent. Je n'arrive pas à feindre d'aller bien, je n'ai pas la force de coller un misérable sourire forcé sur mon visage en peine.

Les seuls instants de répit que j'ai sont ceux que je passe avec Mikey. Il est une bouffée d'oxygène au milieu de tout ce chaos. Chaque fois qu'il le peut, il se libère pour m'emmener souffler. Tantôt au cinéma, d'autres fois au bord du lac. Une fois même, il m'a emmené au milieu de la planque d'un mauvais payeur, batte de base-ball à la main aux premières heures du matin. Il me l'avait tendu, un sourire ravageur aux lèvres. "Je crois savoir que tu bouillonnes de rage, derrière ce masque d'indifférence" m'avait-il dit. Et j'ai frappé, hurlé et pleuré à m'en briser les cordes vocales. Il n'a rien dit, assis sur le canapé de cuir, observant les objets voler autour de lui et évitant certaines fois des bouts de verre projetés bien trop près de son visage.

Ce que j'aime, dans les instants passés avec lui, c'est qu'il n'agit pas comme si rien ne s'était passé. Ils agissent tous comme si je risquais de me briser à tout instant, et je suppose que c'est l'image que je renvoie. Ils surveillent leurs paroles, s'échangent des regards chaque fois que la conversation tend vers un sujet qu'ils estiment trop douloureux.

Manjiro, lui, n'a pas peur de me confronter, de m'éprouver même sur la situation. Il pose les questions qui fâchent, me questionne sur la perte que j'ai subie, le traumatisme que cela engendré et même ma séparation avec son ami de toujours. Et bordel que ça me fait du bien. En voulant m'épargner, les autres minimisent ce qu'il m'est arrivé et réfutent les événements passés. Comme si l'enfant que je portais n'avait jamais existé, comme je n'avais pas perdu une partie de moi-même ce soir-là. Et ça fait mal. J'accepterais la douleur, la peine et tout ce qui s'en suit, mais je ne peux survivre à cette occultation générale. Son souvenir est tout ce qu'il me reste de cet enfant.

-Ça fait un moment que je ne t'ai pas vu à nos réunions. Si c'est Baji qui t'embête, je peux à nouveau lui botter le cul, tu sais.

Mains dans les poches, le blond marche à mon côté le long du canal. Son sourire laisse entendre qu'il me taquine et je me mords la lèvre pour m'éviter de répondre à sa bonne humeur communicative. Il arrive à me dérider, et semble ravi de son effet.

-Je saurais l'ignorer.

Je dois avouer que la présence du brun explique en partie mon absence. Nous nous évitons mutuellement depuis des semaines. De toutes façons, il travaille en solo et semble avoir déserté la maison. Il ne dort que rarement au manoir, rentre apparemment au milieu de la nuit, plein de sang et de boue, et je m'arrange pour ne pas avoir à le croiser dans les couloirs. D'après les dires de notre leader, il fait vivre un enfer à tout le monde et impose une discipline de fer à toute sa division. Bien heureusement, il me laisse en paix. Si tel n'était pas le cas, je lui aurais de toutes façons mit une balle entre les deux yeux. Je l'exècre autant que je l'aimais, ce qui rend la situation encore bien plus complexe.

L'encre de ses yeux /  Baji x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant