Chapitre 2

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-Tu peux te mettre plus par là ?

Le monde qui les entourait rendait la tâche difficile. Le brouhaha croissant des forains et festivaliers ne tarderait pas à couvrir les paroles du journaliste. Il se positionna un peu à l'écart, exaspéré.

-Luc, on n'a pas toute la journée pour filmer cette prise, dit-il. Les gens commencent à arriver. D'ici cinq minutes, il y aura trop de bruit pour refaire cette séquence.

Un passant bouscula le cameraman qui jura en se retournant. L'inconnu portait un drôle de manteau et marmonnait. Il disparut rapidement dans la foule, laissant Luc un peu confus. Il se reprit devant le regard soucieux de son collègue et ami.

-Oui, oui, je sais, mais attends, il y a une tâche sur le téléobjectif. Je nettoie ça et on plie cette séquence.

*

« D'après le rapport des médecins sur [code-sujet-1], sergent dans l'armée de terre, la condition psychologique du sujet s'est détériorée rapidement après le rendez-vous du [code-date-1] qu'il a eu avec son médecin spécialiste et psychiatre, le docteur [code-docteur-1]. Le troisième rapport indique des difficultés à s'endormir, des rêves étranges et morbides dans lesquels [code-objet-1] fait des apparitions. Pendant des phases d'études du [code-sujet-1] et des membres de son unité, seul [code-sujet-1] souffrait de tels maux. Constantes normales, activité cérébrale normale. Cependant, le [code-sujet-1] parle pendant ses phases de sommeil paradoxal, le [code-sujet-1] appelle quelqu'un ou quelque chose. Signes d'instabilité chroniques. Recommandation médicale : isolation du sujet et surveillance non-stop. Décision à revoir en cas d'aggravation de l'état du [code-sujet-1]. »

*

Sara Landouse claqua la porte des toilettes derrière elle et s'affaissa contre la porte. Elle cogna de toutes ses forces en hurlant sur le battant jusqu'à ce que l'adrénaline s'estompe et que la douleur survienne. Sara retira son poing meurtri du bois et observa la chair ensanglantée avec une étrange fascination. Quand elle fut complètement sortie de ses rêveries, elle entendit les pleurs d'une femme dans la cabine d'à côté. Les reniflements et les soubresauts trahirent son identité, aussi, Sara toqua doucement sur la paroi de son autre main.

-Lola ? Lola, c'est bien v...toi ? Vu les circonstances, le protocole n'avait plus grande importance. Les pleurs s'étaient tus.

-Docteur Landouse, j'aimerais autant que vous ne me voyiez pas dans cet état.

Elle avait accouché deux semaines auparavant. L'épuisement se lisait déjà sur ses traits en temps normal, mais depuis qu'on était venus la récupérer à l'hôpital pour mener à bien des analyses dans le laboratoire, elle ressemblait plus à un cadavre ambulant qu'à une jeune mère.

-Lola, rentre chez toi. Passe du temps avec ton fils et ton mari.

-A quoi bon, cria-t-elle. Quelque chose tomba sur le sol, roula jusqu'aux pieds de Sara. C'était un petit pendentif qui arborait une photo de sa jeune famille. Leurs pleurs reprirent.

Elle avait raison, à quoi bon ? Si la Sphère grossissait encore, des murs et des murs de béton n'arrêteraient rien.

Le sang ne gouttait plus sur la cuvette quand elle trouva la force de sortir des toilettes.

*

Un trou béant, un gouffre. Il ne restait rien. L'objet s'élevait à quelques mètres du sol et resplendissait comme un soleil noir. Des fanions flottaient, des pans de tissus déchirés, souillés dansaient dans un vent que rien ne soufflait, tous attirés par l'astre.

A chacune de ces secousses, le sol tremblait plus fort, plus loin. On pouvait voir les débris qui sursautaient à chaque impact. Ceux qui étaient trop près, charmés comme du bétail, comme des rats se murent délicatement vers lui.

La SphèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant