Fin

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Maïa entendit un hurlement de rage qui déchira la mêlée autour d'elle. Une Sentinelle se jeta au-travers d'une mer de cultistes, les dispersa, en tua certains. Le soldat fut sur elle en un instant. Des volées de tirs fusèrent en tout sens et brûlèrent, trouèrent, tuèrent sans distinction. Deux groupes de Sentinelles la rejoignirent, l'entourèrent et délimitèrent un périmètre autour de son corps allongé. Cela faisait presque dix minutes qu'une rafale l'avait couchée au sol et immobilisée. Maïa ne sentait plus ses jambes et le froid l'envahissait petit à petit, grimpant le long de ses membres. Elle entendit des mots, quelques phrases, ne s'en soucia pas. Elle y était presque :

-Ne perdez pas trop de temps, camarade. On a besoin de vous ailleurs. Les communications ont été coupées et les hurlements qu'on entend depuis le début de l'attaque m'effraient plus que tout le reste.

Étouffée par le sang qui coulait dans sa bouche, personne ne l'entendit répondre qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que ces cris, ces hurlements, ce n'était que les pleurs de bébés, de Ses enfants et qu'ils arrivaient.

Ils s'échangèrent un signe de tête et elle les regarda partir vers la zone 0-0 dont ils étaient encore loin. Seule resta la Sentinelle couverte de sang. L'homme revint vers elle et s'agenouilla. Elle put enfin voir son visage, c'était son ami, c'était Félix. Maïa fut candidement heureuse de le voir, de l'avoir avec elle. Ils avaient été amis et au fond d'elle, elle espérait qu'ils l'étaient toujours. Elle avait une profonde affection pour cet homme. Un bon soldat et un bon ami.

Félix passa ses bras en coupe autour d'elle et tenta de se lever. Après un effort, il dut reposer le corps de son amie sur le sol. Maïa grimaça de douleur. Elle admira le sang qui tâchait son corps.

-Trouvez un médic les gars, j'peux pas l'abandonner ici.
-...
-Il n'y a plus personne, Félix, dit-elle faiblement, souriante.
-Les gars ? Félix se retourna. Là où il pensait trouver son escouade, il ne vit que des corps sans vie. Quelques amures de Sentinelles gisaient, inertes, parmi la masse de cultistes.
-T'en fais pas, Maïa, j'te laisserais pas tomber... La Sentinelle fit mine de se relever mais un soupir l'interrompit.
-Ne m'emmène pas plus loin, Félix. S'il te plaît, laisse-moi ici.
-Maïa, tu te vides de ton sang. Je t'emmène voir un médecin tout de suite, sinon tu vas y rester.
-C'est trop tard pour moi, Félix, dit-elle en caressant son visage. Sa main ne laissa aucune trace sur la joue de son ami. Je vais bien, j'ai fait ce que j'avais à faire, je peux mourir en paix. J'ai bien servi, finit-elle par dire en toussant.

Au loin, le bruit des combats s'intensifia, Félix ne le remarqua pas, trop occupé à essayer de la sauver. Elle, au contraire, se délectait du son des os qui se brisaient et de la chair qui se buvait. Les enfants déjeunaient.

Fébrilement, à tâtons, Maïa chercha sa poche abdominale. Son souffle, saccadé, s'accéléra. Elle toussa du sang directement sur le visage de Malosane. Elle se rendit compte que Félix n'allait pas mourir avec elle et que dans sa rage, il irait faire du mal à Ses enfants.

-Donne-moi ta main, Félix. Je n'en ai plus pour très longtemps. Je vais partir pour de bon cette fois-ci, je ne reviendrais pas.

Maïa prit sa main dans la sienne et y laissa une poignée d'objets. Malosane s'approcha de son visage à mesure que sa voix mourante faiblissait. Un tas de cartes d'accès et de pouces tranchés dégringolèrent de sa main révélant la grenade dégoupillée et les yeux noirs de son amie dévoyée.

« Kel Ch'ara »

*

La porte de la dernière église s'ouvrit sur un trio de prêtres en soutane chantant les louanges de leur dieu. Léon ne s'en rendait plus compte mais ces mots, ces psaumes n'avaient plus rien d'une langue humaine. Les sonorités, les inflexions, les accents étaient tout autre chose, ils étaient profonds, inaudibles et pourtant si puissants. Il leva son arme et tira deux balles dans chacun d'eux avant de réaliser qu'il n'avait plus assez de balles pour ça. L'un d'eux s'écroula sur le sol en trébuchant, celui du milieu se tint la poitrine alors que le sang s'écoulait en bullant. Léon lâcha le revolver, sortit la dague sanguinolente et tomba sur le blessé. La lame s'enfonça avec difficulté dans le torse, perça entre deux côtes et il entendit le long râle d'une énième victime de sa barbarie. Le sourire benêt du prêtre se cristallisa dans sa mort, sa bouche sans dent renvoyant au collier attaché à son poignet.

La SphèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant