Chapitre 35

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Chancelant, Léon progressa pas à pas. Il s'appuya sur un pied et éprouva l'état du sol. Partout où il posa les yeux, il trouva la même roche marine. La grotte, immense et terrible, dans laquelle il venait de pénétrer se trouva moulée d'un seul bloc, sculptée par des mains inhumaines et pourtant formidables. Il leva les yeux vers la voûte et discerna l'étendue de la salle, plus grande que la plus grande des cathédrales. Le détective ne put cacher son admiration.

Un bruit au loin le sortit de sa rêverie et Léon se secoua la tête, essayant de chasser ces choses qui le fascinaient trop pour être bienveillantes. Léon dégaina son arme de poing mais le poids de celle-ci, trop faible, lui révéla qu'elle n'était pas chargée. Comment eut-il pu être si perturbé qu'il se serait aventuré loin de la sécurité toute relative de son bureau sans la recharger ? Le détective fourragea dans les nombreuses poches de son imperméable et trouva quatre munitions pour son revolver. Il se dépêcha de les y insérer. Le cliquetis de l'arme, sa lourdeur, le rassura un peu.

Armé, Léon s'avança. L'air était si lourd dans la grotte que chaque pas lui pesa. Au sol, la roche sembla s'imprimer de l'empreinte de ses bottes. Il se retourna avec précaution et étudia le chemin qu'il avait pris : des zigzags informes. J'ai pourtant marché droit, se dit-il. J'ai pourtant toujours avancé droit devant moi. Léon se rendit compte que la pièce bougeait avec lui. Il fit un pas à droite et le mur le plus proche devint une alcôve. Il fit un pas en avant et se retrouva, d'une distance égale, plus proche du fond. Sa perception des choses, pour autant qu'elle eut subi les pires tourments, ne lui parut pas affectée. C'était littéralement le monde qui évoluait autour de lui. De moi, se dit-il. Non, d'un autre.

Son regard se porta de nouveau devant lui et la rangée de sièges lui apparut bien plus proche qu'elle n'aurait dû. D'échelle humaine, les chaises étaient imprimées dans la roche. Léon se figura un voile jeté par dessus celles-ci qui se serait ensuite solidifié pour donner cet effet. Il approcha sa main du premier d'entre eux et se ravisa au dernier moment. Une impression dégoûtante le submergea à l'approche du siège. L'odeur qui s'en dégageait lui donna envie de vomir. Il ne put se retenir longtemps et recracha le contenu de son estomac sur le sol de roche. Quand il put de nouveau ouvrir les yeux, Léon se rendit compte qu'il voyait de nouveau. Ce n'était plus ces impressions étranges qui se superposaient à son esprit, qui lui envahissaient l'esprit sans passer par ses sens. Une paupière visqueuse venait de se retirer de ses orbites, éclaircissant le monde sombre et nauséeux qui l'entourait.

Léon regarda à ses pieds et observa ce qu'il venait de cracher : du sable, une touffe d'algues et quelques crustacés gisaient là où la bile devrait se trouver. Il eut un vertige en se relevant. Il essuya la bave immonde de la commissure de ses lèvres et s'avança.Quelque chose d'autre avait changé.

Les rangées de sièges s'étalaient à perte de vue, grandissant leur nombre à celui d'une légion. Tous étaient occupés et une myriade de silhouettes couronnées le fixa comme la pauvre proie qu'il était.

*

Sara ferma les yeux et se recula au fond de son lit. Les mains sur les oreilles, elle pria pour ne plus entendre l'alarme assourdissante qui résonna probablement dans le monde entier. Au travers des beuglements des sirènes, Sara put entendre les autres patients de son dortoir se terrer dans leurs lits comme elle le fit une seconde plus tôt. Elle put entendre leurs sanglots et même parfois leurs cris hystériques. Cette alarme était celle qui annonçait ce qu'ils craignaient tous depuis le début : la Sphère venait prendre sa revanche.

La tonalité des sirènes changea, diminua d'ampleur et indiqua la marche à suivre. Sara connaissait les directives mais ne put d'abord esquisser le moindre mouvement. Par ses yeux clos, Sara crut voir les nombres danser, ils n'avaient compté aucun incident depuis l'apparition et voilà que tout recommençait. On repart de zéro, pensa-t-elle entre deux hoquets larmoyants.

La SphèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant