Chapitre 19

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Léon claqua la portière arrière de sa voiture après y avoir jeté les dossiers d'Adama qui avaient survécu au drame. Les quelques photos qu'il avait pu prendre de la scène du crime seraient analysées par ses soins en temps voulu, et pour l'heure, Léon devait surtout retourner chez Don.

Alors qu'il allait ouvrir la porte avant, une pensée l'interrompit : la dernière fois qu'il avait mis les pieds dans cet appartement, Léon s'était fait agresser par quelqu'un qui ne le craignait ni lui, ni la douleur de la balle logée dans son épaule. Qui était-il ? Qui étaient-ils ? Que représentaient ces gens qui sortaient de l'ombre pour le plonger dans cette mélasse qui les engendrait ?

Léon frissonna, se rappela les horreurs qu'il avait déjà affronté dans cette affaire. Il se demanda s'il en sortirait indemne, si son esprit, plus que son corps, le mènerait au bout de l'enquête que Don lui avait léguée. Pas seulement Don,se dit-il. Nick Sempher, Oliver Digoude, Setekis, Sampha Cuijmou ou encore Adama Questo. Ces noms lui revinrent comme autant de photos, de profils, de disparus. Cette enquête n'était pas seulement le legs de Don, mais de tous ces enquêteurs qui n'avaient, jusqu'à preuve du contraire, pas survécu à son déroulement.

En arrivant au bureau de Don, Léon le trouva dans l'état où il l'avait laissé une douzaine de jours plus tôt. A part un cordon de police barrant la porte d'entrée fracturée, il trouva chaque chose à sa place, comme s'il revenait à peine de vacances, appréciant la couche de poussière qui s'était déposée sur les choses, ses choses.

Un paquet traînait dans l'entrée, marqué des initiales « S.F.I ». Léon sourit tristement et le plaça sur le bureau. Il verrait bien le lendemain, pour l'heure, il devait dormir. Il jeta son sac près de la fenêtre, en fit tomber le journal d'Ernest Bale qui baillait entre les deux premières pages.

Si quelqu'un venait dans la nuit pour s'en prendre à lui, qu'il vienne, il tâterait de son arme de poing comme son prédécesseur. Léon s'endormit en un instant, basculant en plein jour dans une nuit sans repos, se noyant dans une mer noire de rêves tous plus faux et retors les uns que les autres.

*

-De quelle précision vous voulez parler professeur ?
-Les lieux sont importants, lieutenant, mais ce sont surtout les dates qui nous animent ! Les dates ! Ces deux religions sont apparues en même temps !

Flachet était animé par une énergie que le lieutenant ne lui avait pas vu depuis l'arrestation. Ses yeux pétillaient. Depuis quand ses yeux étaient-ils si bleus ?

-Les versions latino-américaines et africaines de leurs religions font toutes les deux référence aux mêmes objets, à la même symbolique. Et ce, malgré les différences fondamentales de leurs langues et des sociétés qui les accueillaient.
-Sociétés ? Je pensais que vous parliez de cultes tribaux, professeur. L'ennui se lisait depuis plusieurs minutes sur les traits de l'officier. Toutes ces conversations donnaient plus dans le théorique et le fantastique. Ils avaient un trou noir au milieu de la France et lui, il devait écouter un académicien borné et délirant parler de sauvages.
-Oui, c'est le cas, mais aussi de leur implantation dans sociétés plus développées. Ces cultes n'ont pour l'instant, et à ma connaissance, jamais survécu jusqu'à chez nous en Europe. En tout cas, aucune piste sérieuse n'appuie cette théorie... Jusqu'à cette femme, lieutenant.

L'officier se releva imperceptiblement sur sa chaise : « Je vous écoute, professeur. »

-Je vous disais qu'ils faisaient référence au même objet : une planète sortie des eaux au milieu d'une mer de piliers de roches, gravés par l'océan lui-même. Bien sûr, les termes employés ne sont pas les mêmes d'une langue à l'autre. Même leur point de vue est diamétralement opposé, géographiquement opposé si je peux me permettre. Mais ils font bel et bien allusion à la même chose.

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