La pluie se déchaîna soudainement, martelant les fenêtres, prenant d'assaut sa petite chambre d'hôtel de toutes parts. Léon remonta ses genoux jusqu'à son menton, les serra dans ses bras. Il suait, il avait de la fièvre, il avait si froid qu'il grelottait.
Léon regarda les gouttes qui, une fois écrasées, coulaient le long des vitres, observa les chemins sinueux qu'elles prenaient, s'agglomérant petit à petit jusqu'à former de lourds paquets qui filaient vers le bas. Ses yeux se posèrent sur l'une d'entre elle qui refusait de tomber. Bloquée à la hauteur de ses yeux, l'eau s'accumulait comme une poche invisible sur le verre. Une poche qui se remplissait, s'étendait, se dessinait.
Un éclair zébra le ciel dans son fond de nuages menaçants. Léon n'avait pas vu directement le soleil depuis maintenant deux jours. Tout ce qu'il restait était gris, sombre, déprimant, oppressant. Le détective eut l'impression que chaque jour qui passait depuis qu'il était ici, le ciel s'approchait plus encore de lui, le comprimait.
Léon tenta de se lever, toussa, toucha son front brûlant et trébucha. Il se rattrapa au rebord de la fenêtre, son visage s'y colla et le froid de l'extérieur lui fit énormément de bien. Il souffla longuement, tentant de ramener un peu de paix dans son existence tourmentée.
Il pensa aux prochaines étapes, au collier, à cette entrave qui le tirait vers le bas, vers des profondeurs insondables. Il revit l'image du phare, sa lumière.
Levant les yeux vers la fenêtre, Léon vit un visage souriant qui lui faisait face. Il sursauta, étouffant un cri et retomba sur le sol, dos au lit. Le visage avait disparu.
Seule restait la trace de ces gouttes qui se collaient les unes aux autres, s'accrochaient et formaient un motif, une main. Et la main bougea sur la vitre, souriant comme seules des bouches peuvent le faire.
*
« T'as pas idée de ce qu'on voit en ce moment, c'est d'une horreur ! »
Derrière son comptoir, Nathan triait des dossiers laissés ça et là par les différents médecins et employés de la morgue et de l'hôpital Sainte-Cécile. Le travail de secrétariat l'ennuyait à mourir mais il avait besoin de ça pour payer son logement, comme tout le monde. Les temps étaient durs et tellement de personnes avaient perdu leur emploi que les pauvres hères de la région se jetaient sur n'importe quel emploi.
L'homme avec un manteau gris et un chapeau à bord rabattu passa devant lui et sortit sans rien dire, sans même le regarder. C'était le détective qui était venu identifier un corps anonyme repêché dans la rivière.
Un détail le surprit. Nathan se leva sans s'en rendre compte et renversa sa tasse de café sur le comptoir. Cet homme avait-il grandi ? Une impression étrange se dégageait de la silhouette qui disparaissait sous la pluie.
Un peu perdu, Nathan sortie à sa suite, attiré par cet inconnu qui avait pourtant donné son nom en arrivant mais qui n'avait plus rien du Don Paolo Periap qui avait signé le registre deux heures plus tôt.
*
Réveillé par deux coups hésitants sur sa porte, Léon se rassit dans son lit encore une fois trempé de sueur. Il s'essuya le front, observa son corps affaibli. Déjà deux jours et deux nuits qu'il était dans cet hôtel, déjà deux jours et deux nuits qu'il vivait un enfer. Les hallucinations, les voix et les choses ne s'étaient que rarement tues et semblaient prendre un malin plaisir à le torturer.
On tapa de nouveau à la porte : « Service de chambre, je peux entrer pour changer les draps et les serviettes ? »
Léon se dirigea vers la porte. Il se saisit d'une chemise froissée en chemin, l'enfila et ouvrit à la dame qui attendait dans le couloir avec un chariot garni de produits d'entretien et de rechanges. Il la laissa entrer et entreprit de se passer un coup d'eau sur le visage, sous les aisselles, se sécha et se rassit au bureau surchargé.
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La Sphère
HorrorLa sphère est un roman constitué de courtes scénettes qui dépeignent la rencontre de personnages que tout oppose mais qui gravitent tous autour d'une chose, la Sphère. Elle les appelle à elle et ils viennent tous, immanquablement. Découvrez chaque j...