Chapitre 6

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Les premières analyses de Don ont remonté quatre pistes distinctes sur ce groupement d'affaires. Il indiquait que ces disparitions, à part peut-être celle de l'enfant, étaient liées.


Léon passa la nuit à lire et relire l'ensemble des dossiers et d'indices déjà exposés par son collègue décédé. Au lever du soleil dont la lueur faible et maladive se cachait derrière d'épais nuages fangeux, Léon avait tout séparé en cinq piles. Quatre d'entre elles correspondaient aux quatre pistes, la dernière tenait plus d'un sentiment étrange, d'un vague goût de rouille au fond de la bouche, d'une noirceur indescriptible : les dossiers qui concernaient l'enfant. Sa photo culminait sur la pile, c'était une fillette de neuf ans et son visage semblait déjà appeler à l'aide.

Le détective eut du mal à se détourner de celle-ci, mais quand il y parvint, il aurait juré que la nuit s'était de nouveau couchée, que les ténèbres avaient ravalé le soleil.

Il déglutit, vida d'un trait son café et poussa dans un coin, au loin, le dossier de Suzie Meyers dont les yeux le suivaient encore par un effet d'optique malchanceux. Léon finit même par retourner la photo, blâmant la fatigue et la colère sourde qu'il essayait de canaliser dans son travail, dans sa mission.


*

-Sergent ?
-Oui, Alex ?
-Sergent, vous y étiez, non ?

Malosane se retourna et s'assit sur le banc de musculation. Il fit face à son unité, celle qu'on venait de lui affecter. Alexandra, devant lui, le regardait avec un mélange d'admiration et de criante. Il baissa les yeux, souffla puis détourna le regard, comme s'il était fasciné par les caméras de surveillance dans les coins de la salle.

-Alex, les autres, écoutez-moi bien, j'le répéterai plus, dit-il doucement. Tous s'arrêtèrent dans leurs exercices, ceux qui étaient loin se rapprochèrent discrètement, attirés par l'horreur de l'histoire qu'il allait leur raconter. Il reprit : « Vous avez idée de ce qu'on a vu ce jour-là ? »

Alexandra déglutit bruyamment, la salle était devenue silencieuse. Ils n'entendaient que leur propre cœur, leur propre sang, battant dans leur corps, tout enfermés qu'ils étaient avec leur chef d'unité et les choses qu'il avait vues, qu'il avait vécues ce jour fatidique. Toutes ces choses qu'il avait ramenées avec lui et qui le hantaient encore.

-Est-ce que vous savez ce que ça produit, comme son, un corps dont tous les os craquent en un instant ? Est-ce que vous savez jusqu'où est-ce qu'on entend ce son ? Et enfin, est-ce que vous savez, une fois qu'ils sont morts quand est-ce qu'on arrête de l'entendre ?

Malosane regardait fixement Alexandra. Tous les regards convergèrent vers elle comme une classe de mauvais élèves lorsque le professeur choisit un bouc-émissaire. Elle voulut répondre, elle voulut dire quelque chose mais ses lèvres entrouvertes ne laissèrent rien sortir.

« Jamais. »


*

Première pile, premier indice : dans les seize enlèvements et/ou disparitions qui n'étaient pas celle de Suzie Meyers, quatorze d'entre eux n'étaient pas des dossiers de première main. L'agence « A & D » n'était pas le premier cabinet de détective privé à avoir été consulté sur ces cas.

Les dossiers comportaient pour la plupart la mention « reportée » suivie du nom du cabinet précédent ou du détective précédent. Parmi eux figuraient les noms de « Nick Sempher », « Oliver Digoude », « Setekis », « Cuijmou Sampha» ou encore « Questo Adama ».

Léon reconnut certains de ces noms dont Setekis et Questo, il se nota de les contacter dès qu'il aurait un moment.

Combien de détectives, en cabinets ou indépendants, avaient été contactés pour ces disparitions sur ces treize derniers mois ? En ouvrant les feuillets, Léon se rendit compte que les noms revenaient plus qu'ils ne le devraient. Nick Sempher et son cabinet Sempher Research apparaissaient plus de dix fois parmi les seize enlèvements. Setekis firm for investigation, huit fois. Cuijmou et al, six fois.

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