Chapitre 38

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Un cri strident déchira l'air de l'autre côté du mur. Encore appuyée contre celui-ci, Sara s'en décolla précipitamment. Alors que l'alarme hurlait encore, elle crut le silence de retour. Ce hurlement féroce installa comme une bulle dans laquelle plus rien ne comptait. Sara se rapprocha de nouveau du mur, colla son oreille contre la paroi. Suante, elle retrouva la transpiration chaude et sale qu'elle venait d'y laisser. La moiteur de ses mains, de son dos et de son visage se mêlèrent en une gangue sordide dont elle aurait du mal à se séparer. Elle empestait la peur.

Le silence retomba pour de bon. Plus de cri, plus d'alarme, tout s'était tut. La lumière des gyrophares, rouge comme le sang, fusaient à chaque intersection, au-dessus de chaque porte. Sara ne trouva pas la force de se lever, aussi se mit-elle à genoux et lutta pour atteindre l'étage du dessous. La porte menant au couloir était grande ouverte, enfoncée de l'intérieur. Sara jeta un œil vers le couloir et dans la lumière rouge, elle ne vit que du sang. Des corps s'empilaient à droite et à gauche. Elle distingua rapidement les combinaisons noires des Sentinelles, les blouses blanches du personnel et la robe des patients du reste. Ce reste, c'était des habits disparates, du noir pour la plupart couvrant des pieds à la tête des corps fauchés à la mitrailleuse. Sara tendit la main vers l'un d'entre eux, chercha son cou et trouva un pendentif au bout d'un chapelet de perles d'un blanc aussi vitreux que les yeux du pire des ivrognes. A son bout, un symbole de métal s'agitait entre ses doigts. Sara le reconnut instantanément : des cultistes de la Sphère.

Dès le jour de l'Apparition, des illuminés comparèrent la Sphère au jugement divin. Les différents gouvernements se battirent contre les premiers mouvements pro-Sphère avant que l'armée et enfin le programme Sentinelle prenne le relais. Plusieurs fois au début du projet Sentinelle, des groupements de cultistes, quelques dizaines à chaque fois, attaquèrent les bases d'opération de l'armée. Un centre de recherches avait même été vandalisé et ses employés tués. Après cet événement, l'armée traqua de façon systématique le moindre mouvement révolutionnaire pro-Sphère. Ces groupes disparates dans les premiers mois trouvèrent vite un soutien inattendu les uns dans les autres, allant même jusqu'à développer une religion autour de l'astre noir.

Le symbole entre les mains de Sara, un cercle barré d'un genre de croix, elle le connaissait déjà. Quand elle trouva la force de se fouiller les autres corps à la recherche d'une arme, elle contempla la légion de pendentifs qui jonchaient le sol. Ils était si nombreux et l'explosion qui retentit à ce moment précis lui assura qu'ils étaient plus nombreux encore.

*

Réduisant la distance qui le séparait du spectre avec une difficulté croissante, Léon sentit son souffle se faire plus court. Il avait chaud, si chaud et son cou le brûlait de feux infernaux. Il eut beaucoup de mal à se sortir le visage des deux femmes qu'il venait de rencontrer. Quelque chose dans leur regard, sur leur visage, dans leur âme l'attirait irrémédiablement, inexorablement. Cette chaleur se déplaça depuis son cou jusqu'à ses tempes et son cœur, se propagea tel un mal. Léon sentit la morsure de ce collier de servitude qu'il portait depuis maintenant plusieurs mois. Il sentit ses dents crisser contre sa peau, s'enfoncer dans sa chair et s'y délecter de ses humeurs.

A sa gauche, le spectre s'arrêta. Léon bifurqua rapidement et le rattrapa. La chose se retourna et plongea son regard dans le sien. Une peur panique sembla s'être emparée de la chose, comme s'il avait dû fuir. Léon se rappela de ses mots : « C'est moi. » Il se demanda pourquoi il avait fui, il se demanda de quoi un spectre pouvait avoir peur avant de réaliser que la mort elle-même n'offrait aucune protection contre les entités qui riaient au-dessus et en dessous d'eux. Léon leva les yeux et observa, terrifié, les humanoïdes aux bras multiples qui patrouillaient de toit en toit, bavant, écumant leur haine comme une pluie de goudron. Il avait déjà tué l'une de ces choses, par chance plus que par adresse, mais là, Léon en vit des dizaines. Elles ne l'attaquaient pas, elles ne firent que voguer à la recherche de seul leur dieu sut quoi et Léon n'en eut pas la moindre idée avant que ses yeux se reposent sur le spectre de David.

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