Chapitre 8

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La procession avança le long des rues et des routes sous le regard effrayé des familles aux fenêtres. Les passants s'étaient enfuis, avaient appelé la police. Les téléphones des urgences sonnaient de tous côtés, les standardistes se relayant les informations avec efficacité devant l'étrangeté de l'horreur qui se produisait.

Sous leurs capuches, les visages transformèrent leurs psaumes en chants, en paroles féroces. Des mots de langues inconnues, mortes se frayèrent un chemin jusqu'à toutes les oreilles qui voulaient bien se laisser charmer, duper.

Des gens ouvrirent leurs portes, sortirent de chez eux, rejoignirent la marche. Ils vinrent grossir une foule déjà trop importante. Pourquoi les secours n'étaient-ils pas déjà là ? Comment pouvaient-ils venir si près de la sphère ? Comment pouvaient-ils si impunément convoyer vers la plus grande horreur que l'espèce humaine ait connue ?

La police, l'armée, les urgences, que faisaient-ils ? Un homme dans son salon, à sa fenêtre, devant un tel désespoir voyait les habits blancs qui se mouvaient en cadence, leurs bougies et leurs capuches malfaisantes s'agitant dans le vent. Il serra si fort son téléphone que le boîtier craqua, que ses doigts saignèrent. Il pria Dieu de leur venir en aide. Mais les secours ne vinrent pas, pas tout de suite. Ils vinrent trop tard.

*

Léon sursauta, plaça ses mains devant lui, les agita. Ses paumes étaient couvertes de sang et ses poignets... ses poignets étaient ouverts, tranchés et le sang en dégoulinait comme de petites rivières, couvrant avec aisance toute la peau qu'elle touchait, fuyant jusque sur l'autel.

Il fut pris de vertige, il trébucha, tomba à genoux puis vomit.

Une main se posa sur son épaule et Léon hurla. Quand il se retourna, il ne vit personne, sentit un air chaud, sale se poser dans son cou. Régulier comme une respiration, il s'attendit à voir une bête penchée au-dessus de sa nuque, prête à l'abattre, à le dévorer. La peur le tétanisa tout d'abord, tendant plus encore ses muscles, il pleura. Et quand il eut attendu suffisamment longtemps, quand il se surprit d'avoir le courage de se retourner, il ne trouva rien.

Léon observa ensuite ses mains, ses poignets : il n'y avait rien d'autre que de la terre et du vomi. Il se releva péniblement, pris de tremblements. Il se dit qu'il fallait fuir, qu'il fallait courir et ne jamais se retourner. Il se dit que Don et ses enquêtes n'en valaient pas la peine, qu'il fallait simplement courir, en finir. En finir ?

*

-Vous avez été contacté à de nombreuses reprises, Professeur Flachet. Que ce soit par nos services ou par d'autres. Des journalistes, notamment.
-Oui, c'est vrai. Bernard tremblait, assis dans une pièce sombre, les mains menottées à la table en acier au-dessus desquelles ses mains s'agitaient.
-Lorsque nos services vous ont contacté, vous avez, avec violence, refusé de vous joindre à nous, et ce malgré nos objectifs.
-Oui, c'est vrai.
-Lorsqu'il s'est agi des journalistes, vous vous êtes montré beaucoup plus coopératif. Il insista sur ce mot. Je dirais même loquace. La façon que l'officier avait de s'adresser à lui, de marquer les mots força Bernard à déglutir bruyamment. Il essayait de se dégager la gorge de ce malaise dans lequel il le plongeait.
-Oui... Oui, c'est vrai, finit-il par dire.
-Vous pouvez arrêter de répondre Professeur. Je ne fais qu'affirmer des faits. Vous répondrez quand je vous poserai des questions.

Bernard hocha la tête silencieusement, la boule dans sa gorge ne voulait pas partir, l'étouffait.

-Vous vous êtes permis de critiquer les méthodes de l'armée en rapport avec la Sphère et de divulguer ce qui aurait pu s'apparenter à des informations confidentielles à ce sujet aux journalistes et différents curieux qui vous ont approché.

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