La Sphère

Chapitre 40

-Bon sang, c'était quoi ça ? Möene, comment vous saviez que le mur allait sortir de là ? C'est quoi cette histoire ?
-André... ? André... tenta Carol, déboussolée.
-Arrêtes-toi, Carol, il est mort. Tu l'as entendu comme moi. Le sergent Kristin se retourna vers la dernière survivante de son escouade qui tentait, à quatre pattes, de grimper la pente qui les séparait d'André. De ce qu'il en restait.
-André...
-Ça suffit, Sentinelle ! Beugla Kristin. Sentinelle, en position, si tu veux sauver ta peau, tu obéis aux ordres et tu vas me lire c'te saleté de mur, compris ?
-Sergent, oui sergent, répondit-elle entre deux reniflements. Ses mains tremblaient mais Kristin ne dit rien, elle venait de perdre un ami, encore un, dans ce labyrinthe qui devait les protéger de la Sphère et de ses engeances.
-Officier Kristin, vous me recevez toujours ?
-Oui, Sentinelle, on se remet en marche, on a besoin d'un nouvel accès pour vous rejoindre.
-A vos ordres.

Johan posa la main sur le mur, parcourut les filigranes, les couleurs et les sons. Il inspira un grand coup.

-Officier Kristin, je ne vois plus de chemin qui nous relie. Que des couloirs parallèles. De plus, le promontoire sur lequel je suis ne me paraît plus si sûr, deux accès se sont coupés.
-... Vous n'avez pas répondu à ma question tout à l'heure, Möene, comment saviez-vous que le mur allait pousser là et nous couper notre retraite ?
-Je ne sais pas, sergent... J'ai vu les choses en embuscade quelques intersections plus loin. Ça ressemblait presque à un couloir, comme si elles s'attendaient à ce que le labyrinthe vous isole ou vous bloque.
-Rien de tout ça n'a jamais été répertorié, non ?
-Non sergent.

-Ok, on va progresser en parallèle alors. Indiquez nous une direction pour qu'on se rapproche au maximum et on suivra les intersections pour rester aussi proche que possible. Avec un peu de chance, on se rejoindra quelque part. Sinon on se dirigera vers les sorties les plus proches.
-Je ne sais pas si je pourrais, sergent... Je dois retrouver la dernière survivante de mon escouade.

Kristin se connecta sur les données de son unité et vit qu'en effet, Alma était toujours en vie mais blessée.

-Elle ne va probablement pas s'en sortir, Sentinelle. Mieux vaut partir et se regrouper.

Dans les yeux de Johan, des flash se rencontrèrent, se confrontèrent. Des visions de lui, d'Alma, d'eau et de sang. Johan se vit, une lame en main, debout au-dessus du corps sans vie de son équipière.

-Je ne sais pas si je pourrais, sergent. Je suis désolé. Je dois la trouver.

*

La maigre lune cachée derrière une mer de nuages peina à se refléter dans la mer. Léon la vit dans les flaques à ses pieds. Le détective progressa lentement, ses pieds affrontant la succion permanente des quelques centimètres d'eau qui régnait dans cette rue inondée. La jetée n'en avait plus que le nom et Léon se sentit déjà en pleine mer, piégé sur des bancs de sables infiniment proches du rivage, mais s'y noyant tout autant.

Le quartier désert le soulagea. Le silence omniprésent aussi. L'esprit brisé de Léon ne supportait plus de sentir et d'entendre les hurlements de la mort. Toute paix qu'il trouverait sur son chemin, il se devait d'en profiter.

Léon fit face à l'un des bâtiments et inspira grandement. Les effluves de la mer se mêlèrent à celles, plus rances de l'océan. La senteur des algues en décomposition le long des docks, les crustacés, les moules et les crabes qui pourrissaient à chaque coin de rue, les poissons qui agonisaient ça et là lui donnèrent envie de vomir. Tout n'était que mort ou mourant. Lui, au milieu de ces choses, se demanda où il en était, il se demanda quand est-ce qu'il se réveillerait ou s'endormirait pour de bon. Il choisit l'entrepôt de droite et entama un premier tour des lieux.