Chapitre 26

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-Vous ne comprenez pas, lieutenant... Dans chacune des apparitions de l'un de ces cultes, celles-ci se sont faites en parallèle en Amérique latine et en Afrique du Sud. Le même jour à chaque fois !

Le lieutenant se demanda ce qu'ils avaient pu entendre, voir, ou vivre pendant ces jours précis pour leur évoquer une idéologie similaire. Il comprit rapidement : « La Lune ? Les étoiles ? »

Flachet but une gorgée d'eau, toussa brièvement. Il finit de desserrer le col de sa chemise pendant qu'il parlait des constellations.

-Oui, lieutenant, les astres! Ils l'ont lu dans les astres...

Interdit, le lieutenant se mit à douter de la sanité de son interlocuteur. Il se mit à douter de la sienne.

-Vous vous rendez compte ? Ils ont observés de part et d'autre de l'océan atlantique quelque chose qui les a amené à développer les mêmes cultes tribaux faisant référence eux-mêmes à la sphère.
-Comment se nomment ces cultes, professeur ?
-Ils ont changé de nom à chaque fois. On n'en a que des consonances, des approximations ! Ba tsoetsoeng hape, en Sotho du Sud. Abo bazalwa ngokutsha en Xhosa, par exemple. Kawsachiqkuna, en Quechua ou encore khititix jakañ churi en Aymara!

Les yeux du professeur, déments, lui donnaient un air torturé, fasciné. Il était dans son élément mais c'était comme si autre chose se baladait dans son esprit. Il était rouge et suant. Il toussait de plus en plus.

*

« Avec moi, gamin, t'as personne d'autre, y a que moi. »

-C'est pas le moment de me dires des niaiseries, Don, siffla Léon entre deux mouvements. Il sentit le bois d'une chaise dans son dos. Il s'était probablement endormi au bureau encore une fois.

Léon toussa, cracha. Il tenta d'ouvrir les yeux, les trouva collants, englués par une nuit difficile. Il se frotta les paupières et tenta d'enlever ces sécrétions qui le gênaient. Il toussa de nouveau, finit par ouvrir les yeux. Léon releva la tête du bureau sur lequel Don travaillait. Le vieux détective ne lui décocha qu'un vague regard amusé.

-T'as qu'à pas pioncer sur mes dossiers, gamin. Aller, lève-toi, on n'a pas que ça à faire de la journée.
-Toujours à râler, le vieux. Laisse-moi tranquille un peu.
-...Léon.
-Quoi encore ?
-...Léon.

Léon fixa son mentor droit dans les yeux, surpris.

-...Léon.

Ses lèvres ne bougeaient pas, ses yeux le regardaient, impassibles, vides.

-Don ? Ça va ?
-...Léon...Léon.

Il se leva précipitamment. Quelque chose n'allait pas, mais quoi ? Qu'avait-il pu se passer ? Pourquoi ne se souvenait-il de rien ? Léon se prit la tête entre les mains alors que le temps ralentissait autour de lui. Quelqu'un continuait de prononcer son prénom, de l'appeler, mais cette voix ne répondait à rien, ne venait de personne.

D'un mouvement circulaire, Léon fit tomber des piles de livres et de dossiers du bureau de Don, les faisant disparaître, comme s'ils n'avaient jamais existé.

Où était-il ? Dans le bureau de Don. Comment y était-il arrivé ? Il ne s'en souvenait pas. Pourquoi Don était-il encore... Encore en vie, songea Léon. Pourquoi Don vivait-il de nouveau ? Lui-même vivait-il encore ou avait-il rejoint son mentor ?

Léon se souvint.

Léon se souvint de la lumière, des phares. Il se rappela les lumières, l'œil, ces formes qui dansaient, ce cercle de lumière et ces vagues de haine. Il se remémora les flots, y disparaître, s'y noyer.

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