Chapitre 30

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XX XXXX XXXXX Ahhhh

Rien de ce que je connaissais de l'astronomie et de la navigation après toutes ces années en mer, traversant les océans, les détroits, les tempêtes, ne me donna le moindre indice sur l'endroit où nous nous trouvions.

« Capitaine ! Capitaine ! Un homme à la mer ! »

J'eus l'horrible sensation d'être perdu dans un endroit que j'ai toujours considéré comme étant chez moi. Je me sentis bien peu de choses devant un univers dans lequel je n'avais plus ma place. Je me découvrais, au sortir d'une longue caverne, devant un monde que je n'imaginai pas exister. Je remercie mon brave EXXXilX, malgré ce qu'il s'est passé par la suite, pour m'avoir secoué comme un diable à ce moment précis.

Sorti de cette stupeur qui dans mes yeux durait depuis des jours, j'entendis enfin sa voix : « Capitaine ! Capitaine ! On a remonté un naufragé ! » Je me ressaisis et me précipitai dans la direction où toutes les têtes, les nez, pointaient.

Je tombai sur un inconnu qu'examinait notre médecin de bord, le rigoureux Dominique Dormant, un français, mais un homme que je respectai de tout mon être.

Le naufragé avait tout des traits d'un latino-américain à ceci près que son visage, son corps, étaient d'une pâleur terrifiante, cadavérique. Je crains que nous n'ayons remonté qu'un mort. Je ne sais ce que j'ai souhaité trouver là où je l'ai cherchée. Je sais cependant ce que j'y ai vu, ce que j'y ai entraperçu. Un visage, un doux visage. Celui d'une femme, d'une jeune femme, d'une enfant. Je l'ai vu changer, se métamorphoser sous les eaux, je l'ai vu transparaître, devenir, surgir de la vase et de la terre pour se coller à l'eau et à l'air comme piégé sous un drap de verre. J'ai vu l'air sortir de ses narines et de sa bouche, je l'ai vu étouffer sous les flots. J'ai tendu les mains, j'ai cherché à passer cette paroi qui me maintenait si loin d'elle. Je ne saurais jamais pourquoi je ne l'ai pu. J'ai passé des heures à chercher, à comprendre, que ce que je voyais n'était plus, ou n'était pas, en tout cas pour moi. Je prie pour que quiconque voit ce message, entende ces prières, les fasse taire, car je ne puis, moi-même, seul, les sauver. Mais voilà que j'entends, derrière moi, la mort qui s'en vient.

*

De retour vers l'ouest de la ville, Léon passa devant le commissariat de police. Il s'arrêta une minute et réfléchit à leur implication dans ces affaires de disparition. Il se demanda s'ils trouveraient le corps d'Irène Peralski maintenant qu'il l'avait sorti des eaux. Il se demanda aussi si lui-même le trouverait s'il y retournait. Une ombre dans son dos lui intima que non. Elle lui assura aussi que quoi qu'il fasse, il ne trouverait que la mort.

Il repassa au bureau de Don et se replaça au milieu de ce cercle de visages et de dossiers qu'il avait créé et qui centralisait toute son enquête. Léon griffonna quelques notes et accrocha le dossier d'Irène sur la carte de la ville à l'endroit où Setekis et elle avaient été retrouvés. Pour l'instant, quatre points figuraient sur la carte, les deux gardiens de phare, Irène et Don.

-Si j'ai retrouvé Irène en cherchant Setekis, je trouverais peut-être Fleskhil en cherchant Don ?
C'était déjà ce qu'il avait entrepris quelques semaines plus tôt. Il ne s'en était pas rendu compte à l'époque, mais c'était bien Don qu'il était parti chercher. Il n'avait trouvé ni l'un, ni l'autre. Le cas de son mentor était-il la règle ou l'exception ? Ces pensées le ramenèrent à quelque chose qu'Annabelle Gesicht lui avait dit. Il tenta de s'en souvenir, de reformer les mots qu'elle avait employé, la tournure de phrase qu'elle avait prise. Ces paroles lui revinrent :

« Ceux qui cherchent les morts cherchent la mort. Ceux qui trouvent les morts, la trouve. »

Anna avait dit ça en entrant dans l'hôpital Sainte-Cécile. Léon l'avait regardé droit dans les yeux, incertain de ce qu'elle avançait, des raisons qui la poussait à le dire. Maintenant, Léon comprenait les risques, les mises en garde. Quelque part, il l'avait toujours fait.

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