Chapitre 7

28 6 0
                                    

En attendant de recevoir les informations du secrétaire de Setekis firm for investigation, Léon se pencha sur sa deuxième pile d'informations. Don avait déjà fait un travail remarquable dans le tri des indices et des pistes qu'il pensait importantes.

L'un des disparus, Jacques Ceylan, un homme dans la vingtaine, originaire de l'Atlantique aurait été aperçu au nord de la ville juste avant sa disparition. Don avait retrouvé les quelques témoins et glané suffisamment d'informations pour définir une zone dans laquelle faire des recherches. C'était comme s'il entendait son vieil ami lui donner des instructions, comme s'il le guidait. Un élan de nostalgie le surprit, cet élan se transforma vite en hargne et il se remit au travail.

Léon superposa les notes de Don à une carte de la périphérie de la ville, au-delà de la zone industrielle où reporta les contours de la zone à investiguer.

D'une superficie d'environ quatre kilomètres carrés et majoritairement en pleine forêt, le détective estima en avoir pour plus de deux jours de fouille. C'était trop de temps.

Cela faisait déjà plusieurs jours qu'il était en ville et l'affaire ne progressait pas dans le bon sens. Plus il relisait les dossiers, moins il voyait les liens qui unissaient ces disparus. Le visage de Suzie Meyers lui revint en mémoire, son sourire blafard, sa maigreur maladive, sa présence.

Des bruits de pas dans l'escalier ramenèrent Léon à la réalité. Il s'attendait à ce que les dossiers demandés à Setekis lui arrivent avant la nuit mais il réalisa que le soleil s'était déjà couché depuis longtemps.

Rien ne servait d'attendre plus, alors Léon prit ses affaires, une paire de lampes torches et partit dans la nuit.

*

-Allez, les enfants, on range ! C'est l'heure !
-Il y en a deux qui ne veulent pas rentrer, on dirait.
-Madame, il pleut, vous n'allez pas les laisser dehors quand même ?

Elle sourit, se retourna vers sa collègue puis se remit à observer les enfants sous la pluie. Le bruit des rires retentissait sans discontinuer. Elle sourit plus encore.
-Que vont dire leurs parents s'ils tombent malade ?
-Ils diront qu'ils se sont bien amusés. Regardez-les, ils arrangent les escargots pour qu'ils fassent la course. Et puis, Céline, ils sont bien couverts.

Les imperméables repoussaient l'eau et la boue à chacun de leurs mouvements agiles. Céline s'apprêta à aller chercher les deux enfants quand sa supérieure l'interrompit, déployant son propre parapluie : « Ne vous en faites pas, j'y vais. Ils ont terminé. »

Elle marcha tranquillement dans l'étrange mélodie de la pluie. Ses pas ponctuèrent ces douces notes au rythme des flaques qu'elle traversait et la chanson de Sinatra qui passait dans le bureau du directeur, étouffée.

Les deux enfants riaient aux éclats en donnant de petites feuilles de salade aux escargots pour les féliciter avant de les reposer délicatement dans les fleurs.
-Karpov, c'est le meilleur, dit l'un d'eux en gesticulant. Son imperméable jaune couinait alors qu'il s'adressait au monde.

Elle arriva jusqu'à eux et les couvrit de son immense parapluie, telle une géante aux milieux des hommes, un sourire sous la voile noire. Kortchnoï a perdu un nouveau combat, se dit-elle.
-Tu t'es fait un nouvel ami, Luc ?
-Oui madame, le meilleur !

*

Le spectre de Don pesait sur ses épaules comme les lourdes lanières de son sac à dos, lacérant ses épaules. Dans la lumière vacillante de sa lampe torche, les formes étriquées, bizarrement humanoïdes des arbres agitaient leurs branches comme des bras menaçants dans la nuit.

La pluie avait transformé Léon en une éponge frigorifiée. Le climat de la région ne lui avait pas manqué même s'il avait l'habitude de trouver du réconfort dans le bruit de la pluie. Le crachin eut raison de lui, mettant à mal ses nerfs déjà soumis à rude épreuve.

La SphèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant