71. Sacrifice II

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J'avais accouché deux fois dans ma vie et j'ai commencé à me demander si, à chaque nouvel accouchement, je devais me remémorer l'ancien.
Peu importe la situation, seule avec ma meilleure amie au milieu de nul part ou entourée de mon mari et d'une médecin: j'avais aimé cet évènement car il m'avait permis de rencontrer ce genre d'être irremplaçable et que tu veux protéger de tout.

Là, je n'avais aucune hâte. La peur me rongeait.

Mon cœur s'était arrêté lorsque j'ai senti les premières contactions, suivies bien plus tard par de l'eau sur mes pieds. C'était trop tôt. Il me restait normalement un mois mais mon corps et ce bébé en avait décidé autrement.

Je ne pouvais pas assez expliquer l'angoisse qui me submergeait tant les heures passaient, dans cette chambre vide. Je voulais que ça s'arrête, que toute cette histoire soit déjà derrière moi pour repartir à zéro et retrouver la quiétude de ma vie de mère. 

J'étais épuisée...

Edith me fit une de ses énièmes visites pour vérifier mon état. Même si le temps entre les contractions s'écourtait, elle ne semblait pas encore décidé à me lancer. Elle n'arrivait même pas à me cacher son inquiétude. Et lorsque votre médecin ne présage rien de bon, la boule qui se formait dans le creux de votre gorge grossit.

Aux alentours de vingt-trois heures, la porte s'ouvrit à nouveau mais pour dévoiler un visage que je n'avais pas vu depuis longtemps. Était-ce de son ressort ou du mien? J'ai complètement oublié ce détail en redécouvrant les trais tirés et fatigués de mon mari qui s'avançait vers moi. Il tira lentement une chaise pour s'asseoir au bord du lit. Il avait un teint encore plus blafard que d'habitude et son iris avait perdu de sa splendeur.

J'essayais de ne pas y prêter attention, me rappelant que Livai faisait constamment n'importe quoi lors de mes grossesses et n'arrivait jamais à me rassurer. Ses pensées pour moi allaient en réalité vers lui. Je l'avais compris depuis le temps.

Est-ce que je peux lui en vouloir?

Je suis un ressort émotionnel pour lui mais il l'est également pour moi. Si j'avais fini seule à la fin de la guerre, je n'ose imaginer dans quel état je serais aujourd'hui. Déplorable, ça, c'était certain. Cet égoïsme que nous avions l'un pour l'autre était réciproque alors j'essayais de ne pas lui en prendre rigueur. Sauf que...

Il ne s'agissait pas de lui. Ni de moi.

Nous sommes parents. Ce ne sont plus les angoisses de Livai ou de Violet qui sont importantes. Trois petites vies innocentes dépendent de nous. Livai avait voué sa vie à d'autres humains dans le passé. Pourquoi n'y arrive-t-il pas avec ses propres enfants?

Une nouvelle contraction me fait serrer les dents mais j'essayai de ne pas trop remuer à cause de la masse endormie à mes côtés. Le noiraud jeta un regard inquisiteur à Lyn qui était allongée sur le lit, une main serrant ma robe. Je n'avais pas eu la force de la réveiller et sa présence insouciante me faisait du bien.

- Tu veux que je la sorte, demanda-t-il enfin?

J'hochai de la tête à la négative. Je préférais avoir mon enfant à mes côtés plutôt qu'elle s'inquiète loin de moi.

- Comment va Eduard, interrogeais-je en glissant une main dans ses beaux cheveux de jais?

La petite soupira simplement dans son sommeil et Livai resta silencieux, son regard ne s'étant pas détaché d'elle. Ses paupières semblaient aussi lourdes que ses épaules. Il n'avait pas cette position qu'il avait habituellement: les jambes et les bras croisés devant lui. Ses coudes reposaient sur ses genoux et ses doigts se rejoignaient dans le vide, penchant son dos en avant. Il tentait de s'ouvrir à moi après ces journées de silence et le bazar dans ma tête m'empêchait de le repousser.

L'histoire d'une soldate [Livai x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant