Prologue : Nina

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Prologue : Nina

On m'a toujours donné des mouchoirs afin de sécher mes larmes. Mais on ne m'a jamais donnée le matériel nécessaire pour réparer mon cœur.

Tant de fois j'ai tenté d'être heureuse. Tant de fois j'ai échoué à croire que tout finirait par aller.

Tant de fois j'ai essayé d'aller de l'avant et tant de fois le passé m'a rattrapée.

Tant de fois le ciel m'est tombé dessus, tant de fois je me suis relevée, des larmes d'or chatouillant mes joues.

Tout a commencé ce jour-là. Quand mon monde s'est écroulé. Quand une partie de moi s'est envolée. Quand je suis devenue l'ombre de moi-même. 

J'allais avoir douze ans.

Douze est un chiffre simple, vous me direz. Rien d'extraordinaire à avoir cet âge-là. C'est comme avoir trente-six ou cinquante-quatre ans. Mais pour moi, le chiffre douze a un sens. Il y a douze mois, dans une année. Il y a douze heures, dans un tour de cadran. Il y a douze apôtres dans la Bible. 

Et c'est à douze ans que je l'ai perdue.

C'était un vendredi soir ordinaire, en plein mois de février. La veille de mon anniversaire. De mon douzième anniversaire.

J'étais rentrée du collège et j'avais pris ma douche aussi rapidement que possible pour ensuite pouvoir profiter de la soirée en compagnie de maman. Je me réjouissais toujours des vendredis qui rimaient avec « pas de devoirs ce soir. »

Ce soir-là, j'étais assise sur l'un des deux canapés du salon, à côté de maman. Nous regardions toutes les deux une émission sur les mariages tout en attendant que papa rentre. Je ne suis pas une grande admiratrice de toutes ces paillettes et cette fantaisie, mais voir les robes des mariées, les cérémonies, me donnait envie et avait un réel effet sur moi. Je m'imaginais moi aussi porter une belle robe blanche et argentée avec une couronne de fleurs sur laquelle serait accroché un voile triangulaire. Je m'imaginais passer la bague au doigt de celui qui m'aimerait pour la vie puis faire un tour de carrosse dans toute la ville et faire la fête jusqu'au bout de la nuit. 

Maman aussi regardait l'émission avec un regard rêveur. Je sentais bien qu'elle voulait que papa fasse sa demande. C'était pour bientôt. J'en étais persuadée.

Il était plus de dix-huit heures quand papa rentra enfin du boulot. Il était technicien dans la maintenance dans une grande usine agro-alimentaire à une demi-heure d'ici et il rentrait très souvent tard le soir.

— Je n'ai pas pu aller chercher ton gâteau d'anniversaire, ma puce, m'annonça papa en retirant son manteau plein de neige. 

Il affichait une mine lugubre qui témoignait de sa gêne. Il embrassa maman puis lui expliqua :

— Ma voiture affichait un défaut. Je n'ai pas voulu prendre le risque d'aller jusqu'au magasin alors je suis rentré directement. J'irai acheter le gâteau demain matin après avoir réglé le problème.

— Tu n'es pas obligé d'aller chercher un gâteau, ai-je répliqué. Un bon repas me suffira.

J'avais déjà conscience à cette époque qu'une pâtisserie coûte très cher. J'étais très mature pour mon âge. Tout le monde me le rabâchait sans cesse. De plus, l'argent était au cœur de nos préoccupations et j'avais bien peur que papa doive changer de voiture.

— Bien sûr que si, tu auras un gâteau ! D'ailleurs, je vais aller te le chercher tout de suite ! a annoncé maman. Comme ça, papa aura juste à s'occuper de la voiture demain matin.

Elle a ensuite ordonné à papa de préparer le dîner pendant qu'elle allait me chercher une forêt noire et quelques bougies.

Maman a toujours été quelqu'un de très courageux. Même en plein mois de février, maman était prête à sortir dans le froid et sous la neige pour me faire plaisir.

J'étais toujours installée sur le canapé quand maman est partie. Je me suis alors levée et j'ai éteint la télé puisque l'émission des mariages était finie, et je suis allée dans ma chambre pour m'occuper.

Tandis que mon père nous préparait le dîner, je dessinais tout en jetant de fréquents coups d'œil à mon horloge.

À vingt-heures, j'ai abandonné mes activités en me levant et en sortant de ma chambre. Maman aurait dû être rentrée depuis longtemps. J'étais inquiète. Une petite voix me disait que maman n'aurait pas dû sortir ce soir-là.

Une boule s'est formée dans ma gorge et très vite, il y eut cette impression que mon cœur allait sortir de ma poitrine tellement il battait la chamade. J'étais ce genre de gamine qui devenait effrayée pour tout et rien. Au final, je le suis toujours.

J'ai commencé à avancer à pas de loup dans le couloir qui menait au salon quand j'ai entendu des éclats de voix. Je me suis arrêtée à mi-chemin pour écouter, mais les voix étaient trop inaudibles. J'avais peur que papa me surprenne à l'espionner mais je savais que quelque chose clochait. La télévision couvrait aussi les voix mais étrangement, le son fut coupé.

Puis, alors que je ne m'y attendais pas, le silence est revenu.

Le silence est une chose étrange qui peut ne rien signifier tout comme il peut être porteur de sens. Ce soir-là, il semblait vouloir me dire « Attention ». 

Et il avait raison.

J'ai continué ma progression dans le couloir mais cette fois, un fracas presque assourdissant m'arrêta. Quelque chose n'allait pas. Le destin avait frappé fort.

Je n'eus pas le temps de réfléchir à la situation. Pas le temps de réagir. Pas le temps de comprendre. Seulement le temps de le voir, devant moi, debout, paralysé par je ne sais quoi, mon père. 

Il me regardait. Ou plutôt son regard allait dans ma direction. Par terre gisait son téléphone, dont l'écran s'était brisé en mille petits morceaux. J'ignorais à ce moment là que son cœur s'était brisé de la même façon dans sa poitrine.

J'ai regardé à nouveau papa. Ses yeux m'ont foudroyée. Ses pupilles d'habitude brillantes ne montraient plus aucun signe de malice. Elles me montraient un désespoir qui allait grandir avec le temps qui passerait. Le sourire qui dorénavant illuminait son visage avait disparu dans le néant, ne laissant que la tristesse dominer ses traits.

Papa s'est laissé tomber à terre tandis que je comprenais la sinistre vérité. Cette chose qu'aucun être humain et encore moins un enfant, ne veut entendre. Ces paroles qui vous marqueront au fer rouge à jamais. Ces mots qui vous feront perdre une partie de vous. Ce moment auquel malheureusement, personne n'échappera.

Maman était partie.

Partie pour toujours.

Morte.

Elle était morte et le serait toujours.

Elle était morte et je ne la reverrai jamais.

Quelques jours plus tard, mon père m'autorisa pour la première fois à pénétrer dans son bureau, qui m'était auparavant interdit d'accès. Je découvrais donc la pièce et ce que contenait l'un des tiroirs du meuble qui ornait le côté gauche de la pièce. 

Au milieu d'une pile de paperasse trônait une bague de fiançailles. Je me souviens parfaitement de ce bijou magnifique. C'était un anneau en argent serti de douze diamants. Douze était aussi un nombre spécial pour mes parents. C'était le jour de leur rencontre.

 Mon père comptait faire sa demande. Il comptait demander en mariage ma mère qui était désormais partie rejoindre les étoiles.

Il s'effondra en me montrant le bijou qui aurait dû sceller leur amour pour toujours et je le serrais dans mes bras.

J'ignorais à ce moment là que j'enlaçais mon père pour la dernière fois.

Mon père est devenu un putain d'alcoolique arrogant et violent. 

Et tandis que j'essayais de me relever de cet évènement, il noyait sa peine dans la boisson.

Et pour couronner le tout, mes années collège rimèrent avec harcèlement.

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Does Love Need Forgiveness ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant