Does Love Need Forgiveness ?

Chapitre 24 : Nina

Chapitre 24 : Nina

— Je ne peux pas y croire, soupiré-je.

— Je te comprends, me répond Scarlett.

Le noir est ce soir notre unique compagnie. D'habitude, les soirées chez Scarlett riment avec fun. Mais cette fois, il faut dire qu'aucune de nous deux n'a le moral. Nous sommes plongées dans l'obscurité de sa chambre depuis quelques minutes déjà et nous nous parlons très peu. Nous ne somme pas fâchées l'une contre l'autre. Nous sommes juste désespérées. Moi la première.

Surtout dans ce genre de moment où je repense à tout. À maman. À papa. À moi-même. Au concert que Scarlett va aller voir sans moi.

Nous sommes toutes les deux installées dans son lit à la parure rose à pois blancs, la couette dissimilant plus de la moitié de nos corps.

— Des fois, je me dis que je suis vraiment maudite, expliqué-je dans un souffle. Comme si je ne méritais pas d'être heureuse.

Scarlett ne me répond pas, alors je poursuis.

— J'ai perdu ma mère. Je pense que je peux dire la même chose pour mon père. Et j'ai perdu quelque chose d'autre en moi quand Ryan a commencé à me harceler au collège. Et tout à l'heure, je crois que j'ai perdu une autre pièce quand il a posé ses mains sur moi.

Scarlett se redresse brusquement lorsque je prononce les derniers mots.

— Tu ne m'as pas raconté ce qui s'est passé ! Il t'as touché ? Nom de Dieu je vais vraiment faire un nœud avec ses testicu-

— Il ne m'a rien fait de mal, Scarlett. J'étais à la cafét', lui aussi. J'ai voulu fuir et il m'a rattrapé. J'ai cogné un mur en voulant m'échapper et il a posé ses mains sur mes bras pour me forcer à le regarder.

Scarlett n'omet aucun bruit mais dans la pénombre, je distingue une grimace sur sa bouche.

— Je ne sais pas ce qui s'est passé mais c'était comme le quatorze juillet dans mon ventre. Une putain d'explosion. Et après il m'a confessé qu'il pourrait se mettre à genoux et pleurer pour moi.

Cette fois-ci, Scarlett ne peut pas cacher sa surprise. Elle pousse un petit cri de stupéfaction avant de lâcher :

— Ce mec est une véritable énigme sur pattes.

— Je ne te le fais pas dire, confirmé-je.

Le silence, notre ami, revient nous hanter. Je serre un peu plus la couverture contre moi comme si celle-ci pouvait être un bouclier contre toutes les crasses que me fait subir le karma.

En parlant de karma...

— Karma is a bitch, je lance.

« Karma is my boyfriend » comme dirait Taylor Swift.

Taylor Swift. La chanteuse que Scarlett va aller voir en concert. Je serra les dents à cette pensée.

— Le karma ou Ryan ? me reprend-elle.

— Le karma, rétorqué-je. Ryan n'est pas une fille, ça ne peut pas être une salope.

— Et le karma ? C'est une fille, peut-être ? riposte mon amie, un petit rire franchissant la commissure de ses lèvres.

Je parviens à rire légèrement pour la première fois de la soirée avant de ramener une touche de tristesse dans cette atmosphère pesante.

Pourtant, ce moment pourrait être sympa. Je suis avec Scarlett, dans sa chambre, avec personne pour nous déranger. Scarlett vient même d'allumer trois petites bougies.

— Pourtant, je ne devrais pas me plaindre. De nombreuses personnes sont actuellement à l'hôpital, attendant de recevoir un organe pour survivre.

C'est la vérité. J'ai conscience que de nombreux humains sur cette terre souffre dix mille fois plus que moi et attendent désespérément l'ange gardien qui les sauvera de la misère. Alors j'ai appris à vivre. Appris à vivre malgré les défaites. Appris à vivre malgré les pertes. C'est douloureux, certes et je me permets de me laisser aller de temps en temps mais jamais sans oublier qu'il y a pire.

J'ai peur d'en faire trop.

J'ai déjà pleuré en fœtus sur le sol mille fois mais je me relève, chaque jour en espérant que le lendemain soit meilleur.

Et je sais que certains lendemains sont meilleurs. La preuve, un jour, j'ai rencontré Scarlett. Au lycée. Un an après que Ryan soit parti ailleurs. Et depuis, elle est la plus belle chose qui me soit arrivée. Elle est ma seule véritable amie. Au collège, je n'avais personne. J'étais face à Ryan et face à moi-même. Les autres camarades me voyaient comme une victime. Ils avaient honte de s'approcher de moi. Ils s'éloignaient de moi. Personne ne s'asseyait à côté de moi. Pour les travaux de groupe, je les faisais seule. Et puis quand Ryan est parti, c'était une délivrance.

J'étais la petite fille craintive qui subissait Ryan. Et puis je me suis jurée de ne plus jamais être aussi faible que je ne l'étais. Pourtant, là, je vais penser un truc totalement dingue.

Ryan me rend dingue.

Une dinguerie.

Est-ce que j'ai le droit d'avoir peur ?

Oui.

Je ne sais pas.

— Franchement, quel mec te poursuis toute la journée pour demander un pardon ? interroge Scarlett en se redressant dans son lit. ce mec est un vrai problème de maths. Ou alors il a perdu un pari stupide.

Je reste muette. Je pense que si j'avais eu un paquet de chips sous la main, je l'aurais dévoré en entier en moins d'une minute comme si j'étais frustrée ou que je sortais d'une rupture particulièrement difficile.

— Mais par contre, dieu sait comment il est séduisant, Nina. Dommage qu'il a fait des conneries par le passé, tu aurais pu te le taper.

Me remémorant l'épisode de Scarlett manquant de recracher de l'eau qu'elle avait avalé, je me mets à rire. Pas d'un grand rire mais tout de même, Scarlett parvient à me divertir.

Mais très vite, l'atmosphère redevient lourde. Tellement lourde que j'ai l'impression de suffoquer ou d'étouffer.

— Tu sais quoi, Nina ? Je vais finir par croire que Ryan est en train de tomber raide dingue de toi.

Cette fois, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. En tout cas, ma mâchoire va se décrocher.

— Sérieusement, c'est peut-être ça, le problème. Peut-être que Ryan est en train de te kiffer et que pour te conquérir, il doit se faire pardonner.

Scarlett me lance un regard plein de ruse et nous explosons de rire.

Pourtant, une minute après, me voilà avec des « Et si » plein le cerveau.

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