Le secret des reines de Diopelfe

Prologue

La reine souffla, allongée dans son lit, entourée de ses sujets, couverte de fleurs :

— Je vais disparaître un jour, très proche, je le sens. Mais j'ai confiance en l'avenir. Une reine naîtra des pierres de dioptase dans les entrailles du palais.

— Tout le peuple œuvre pour vous, ma reine. Il va trouver une solution, souffla Hélmédos en prenant sa main dans la sienne.

La reine sourit. Sa peau avait pâli. Les traits de son visage étaient tirés par la maladie et l'épuisement.

— Je ne veux pas guérir. Je ne peux pas guérir. J'ai donné tout ce que j'avais à offrir.

— Mais votre cœur est si grand, je suis sûr qu'il regorge encore de trésors.

Elle ricana. Puis, d'une main rassurante, elle caressa la joue de l'elfe qui se blottit contre elle.

— J'ai fait mon temps, mon aimé.

Une larme roula sur sa joue et glissa sur la main de la reine. Jamais un elfe n'avait pleuré auparavant.

— J'ai offert ma vie à Diopelfe. Et je te promets de vivre encore dans le vent, la terre et le Soleil. Chaque année, je ferai fleurir les arbres et chanter les oiseaux. J'embellirai la nature pour alimenter la plume des poètes que tu aimes tant entendre. Je serai toujours auprès de toi.

Hélmédos s'effondra en larmes.

— Ne me laissez pas seul, je vous en prie. Si vous n'avez plus rien à apporter au peuple, vous pouvez encore m'apporter tout l'amour dont vous avez fait preuve à mon égard. Je ne pourrai pas vivre sans.

La reine le serra dans ses bras. Les perles nacrées venant des yeux de l'elfe coulèrent le long de son cou jusque dans ses cheveux. Elle l'étreint longuement avant de murmurer à son oreille.

— Hélmédos, reprit-elle. Tu es la seule personne à connaître le secret. Lorsque tu seras mourant à ton tour, confie-le au chef de la garde de la magie. Que les chefs de la magie se transmettent le secret à chaque fois qu'une reine disparaît. Mais que jamais, au grand jamais, elles ne le découvrent pour qu'elles puissent rester à la tête du royaume. Elles seraient en danger. Protège le secret, mon aimé, et que le règne des reines de Diopelfe ne s'éteigne jamais.

Cette nuit-là, alors que tous avaient quitté la chambre royale, la reine était partie. Son corps avait disparu, ne laissant derrière elle qu'un lit rempli de fleurs, un elfe dévasté d'avoir perdu son grand amour et un secret, capable de plonger le royaume dans le chaos.

* * *

L'air est chaud. Mon crâne est lourd, mes oreilles bourdonnent. Un battement résonne dans ma poitrine. Je me sens... vivante. J'aperçois des flashs de lumière, des bribes de... de quoi ? Le ciel. Non, il fait sombre. La nuit. C'est dans ma tête. Je frissonne. Un souffle glisse sur ma peau. J'ai des jambes. J'en ai deux. J'ai des bras aussi, je crois. Où suis-je ? Mon visage bouge et soudain, je vois. Pas très bien, il fait sombre. Ce doit être ça, la nuit. Du vert, partout du vert. Ça brille. C'est joli. Je me sens vide.

— Zack ! Dépêche-toi ! Je crois qu'elle se réveille !

Je sursaute. Qui est-ce ? Je veux savoir. J'entends un claquement. Je crois qu'il y a quelqu'un d'autre. Mais je crois aussi que je peux bouger pour les voir.

J'ouvre un peu plus les yeux. D'immenses perches grises sont au-dessus de moi. Je lève la main pour essayer de les toucher. C'est poilu, doux, ça frémit. C'est une femme, à côté de moi. Elle est belle. On dirait un petit lapin.

On frappe à la porte. Des hommes et des femmes dans de beaux vêtements entrent par une porte discrète qui se fond dans la mousse. Oui, les murs sont couverts de mousse et de cristaux verts. Je me redresse, gênée par des aigrettes qui entourent mon corps. Je vois mes mains, pâles, traversées par des rivières bleu-vert jusqu'aux quatre montagnes avant mes doigts.

— Votre Majesté, disent-ils d'une même voix en s'inclinant dans ma direction.

Je les détaille tous un par un. On dirait qu'ils sont costumés. Je crois que j'aime les fêtes avec de beaux costumes. Puis un mot me vient à l'esprit.

— Vous vous trompez... ce n'est pas mon nom, j'arrive à articuler. Je m'appelle Aurore.