Ezeckiel range l'anneau dans sa boîte de velours et glisse le coffret dans un tiroir de sa commode. Il s'excuse et retourne dans sa salle de toilette tandis que je me laisse presque tomber sur un fauteuil aubergine. J'appuie mon coude sur le dossier, comme si j'essayais de reprendre mon souffle, ébranlée par cette découverte qui a décidé de serrer mon cœur et de ne plus le lâcher.
J'essaye de me concentrer ma fièvre et sur les fleurs qui envahissent presque la chambre pour ne plus y penser. Les lycoris font disparaître les commodes et les bordures de fenêtres sous leurs magnifiques pétales rouges. Le sénéchal doit drôlement les aimer pour en avoir autant dans sa chambre. Je me penche pour sentir les fleurs presque de la même couleur que le grenat qui orne son collier lorsqu'il sort du cabinet de toilette. Toujours aussi coquet et élégant, son pourpoint et son pantalon noirs sont raccordés par les mêmes broderies dorées et fleuries qui grimpent le long des coutures.
— Vous aimez ces fleurs ? me demande-t-il.
— Oui, elles sont magnifiques.
— Vous avez raison.
Il effleure du bout des doigts les pétales fragiles d'un lycoris plus petit que les autres avant de décaler le pot un peu plus en direction de la lumière. Puis il attrape un minuscule arrosoir doré et déverse quelques gouttes d'eau à l'intérieur, redonnant presque instantanément son éclat à la plante.
— Elles ne poussent que près du lac et derrière les montagnes du Septentrion, mais elles sont plus rares. C'est là-bas que je les ai découverte, avec mon maître.
— Vous semblez beaucoup tenir à lui.
— Je lui doit tout. Mon éducation, ma vie au palais, mon travail, mes amis... J'aurai pu n'être qu'un orphelin parmi les autres, puis mener une vie plus ou moins miséreuse dans le reinaume, à vendre des allumettes ou des souliers rapiécés. Mais regardez où j'en suis aujourd'hui : chef de garde et sénéchal de la reine. Il était comme un père pour moi.
— Vous n'avez jamais cherché à savoir qui sont vos parents biologiques ?
— Si je me suis retrouvé à l'orphelinat, c'est qu'ils n'ont pas voulu de moi pour une raison ou une autre. Il est vrai que je me suis déjà surpris en train d'observer quelques personnes avec des cornes ou des crocs semblables aux miens, mais je n'ai jamais ressenti le besoin de les connaître. Et puis Diopelfe n'est pas très grand, je les ai sans doute déjà croisé, s'ils ne sont pas six pieds sous terre.
Le sénéchal s'assoit dans le second fauteuil, face au mien, séparé par une table basse ronde recouverte d'un napperon aussi aubergine et d'un vase clair contenant un bouquet de lys araignée. Décidément, il n'y a pas un endroit dans cette pièce qui n'en soit pas accompagné.
— Mon maître était un homme au grand cœur, je n'ai jamais ressenti leur absence ou un manque. On me confondait d'ailleurs souvent pour son fils biologique, ajoute-il en ricanant. Une peau semblable, les mêmes cheveux sombres, toujours fourrés ensemble, quelques fois à faire des bêtises... M'enfin, se reprend-il. Ce n'est pas mon passé qui nous intéresse, c'est de retrouver le vôtre. Je pense que nous avons déjà fait un pas de plus aujourd'hui. Voulez-vous que nous nous rendions aux archives pour tenter de découvrir qui sont les personnes que vous avez vue dans vos visions, à moins que vous préfèreriez aller vous reposer ?
— Moi ça m'intéresse. A moins que vous ne souhaitiez pas en parler. Et puis j'ai déjà tenté les archives, il n'y a rien qui pourrait m'aider.
Le sénéchal esquisse un sourire avant de tourner le regard vers la pointe dorée de sa botte, tournée vers le ciel depuis qu'il a croisé les jambes pour s'installer plus confortablement.
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Le secret des reines de Diopelfe
FantasyAurore n'a pour souvenir que son nom lorsqu'elle se réveille dans le royaume de Diopelfe où on la couronne reine. Alors que le peuple réclame le retour de la magie, presque complètement disparue depuis la crise magique, le mystère des reines plane...