Je termine une danse avec un magnifique jeune homme à la peau presque translucide, dont les habits en satin bleu comme le ciel scintillent à la lueur des bougies. Mes pieds sont douloureux, mais lorsque l'aube éclairera de sa douce lumière le trône par les grandes fenêtres, la fête prendra fin.
A force de tournoyer – j'ai dû danser avec la moitié du peuple cette nuit – je sens que je commence à être débraillée. Mon chignon tire sur mon cuir chevelu et il va finir par embarquer la couronne dans sa chute, mon maquillage doit avoir disparu de mes lèvres tant je me suis désaltérée, ma robe se froisse à force de danser... Je fais part de mon envie de me rafraîchir à Sulkie et nous nous rendons dans mes appartements, non sans être suivies par quelques chevaliers.
La fée de maison est adroite et douce dans ses mouvements. C'est un plaisir d'être apprêtée par ses soins. Elle réajuste mes cheveux et mon maquillage, défroisse ma robe. Je la remercie et la congédie pour profiter de quelques minutes de solitude. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point le calme me manquait avant de trouver le silence apaisant de ma chambre.
Je m'approche de la grande fenêtre en forme d'ailes de libellule. Le peuple s'amuse dans les jardins. Une ronde de faunes alcoolisés attire qui le veut bien dans leur danse alors qu'ils lèvent leur énième verre d'hydromel en chantant des chansons paillardes dont les paroles sont vulgaires mais drôles et qui me resteront longtemps en tête. Quelques autres personnes du peuple dorment sur un banc ou cachés par une table, d'autres s'embrassent dans les buissons. Je ricane en pensant que le chef de la garde des espions se trouve peut-être parmi eux avec l'une de ses nombreuses conquêtes.
— Qu'est-ce qui vous amuse ?
Je sursaute et me plaque contre le bord de la fenêtre, attrapant d'une main ferme le soliflore qui y repose pour m'en servir comme d'une arme. Ce n'est pas la voix de Sulkie et elle ne parle presque jamais.
— Du calme, du calme, ce n'est que moi.
La lune se reflète sur le grenat massif qui orne le collier d'argent, mais je lève un peu plus haut le vase avant qu'il n'ait le temps de parler. De l'eau perle le long de ma main et coule jusque dans mes manches.
— Que faites-vous ici ? Comment êtes-vous entré ? je demande au chef de garde.
— J'ai vu que vous vous absentiez, j'ai voulu savoir si tout allait bien, répond-il en appuyant du bout du doigt sur le soliflore pour me le faire reposer.
— Les gardes ne sont plus devant la porte ? Ils ne vous auraient pas laissé entrer sans mon autorisation.
Ça vaut le coup de me suivre partout, me dis-je.
— Je suis passé par le passage secret, répond-il avec désinvolte.
Mon cœur bat à tout rompre et refuse de se calmer. L'iris de ses yeux brille presque dans l'obscurité de la pièce. J'hésite à appeler les gardes, ses crocs me terrifient. Et peut-être que je suis un peu en colère aussi, d'avoir été perturbée dans mon calme et qu'il ait pénétré dans mes appartements, dans mon intimité. J'ignore même l'existence de ce passage secret dont il parle.
— Vous sentez l'alcool, je souffle.
— Comme tout le monde en ce moment même.
Il s'éloigne de quelques pas.
— Mais comme vous avez l'air d'aller bien, je vais vous laisser.
Il réajuste le pourpoint qu'il a de nouveau sur lui et glisse ses mains dans une poche de son pantalon. Alors qu'il part, il sort une main en tenant un petit objet brillant.
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Le secret des reines de Diopelfe
FantasyAurore n'a pour souvenir que son nom lorsqu'elle se réveille dans le royaume de Diopelfe où on la couronne reine. Alors que le peuple réclame le retour de la magie, presque complètement disparue depuis la crise magique, le mystère des reines plane...