Chapitre 36

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Il y a quatre jours, à présent, que je suis restée derrière la fenêtre du salon de rotin jusqu'à voir les soldats complètement disparaître au loin dans la grande avenue de la ville. J'ai attendu jusqu'au dernier moment, lorsqu'ils avaient fondu sous la pluie dans la campagne avant de quitter le divan sur lequel je m'étais agenouillée pour les regarder, comme pour les accompagner par la pensée.

Dans mon bureau, occupée à lire des factures concernant les réparations des armures et leur entretien, je me rends compte que la note sera plus élevée que d'habitude, sans compter les dépenses de matière première pour les alchimistes. Les caisses réservées à chaque garde en ont pris un coup, il va falloir que je pense à augmenter légèrement les taxes si nous voulons pouvoir passer sereinement cette période difficile. Mais demander plus d'argent au peuple qui souffre aussi des conditions actuelles ne m'enchantent pas. Et hors de question de rendre les écoles payantes.

On frappe à la porte. Aussitôt je me redresse et j'invite à entrer. La longue chevelure blonde tressée de Valerian fait son apparition dans la pièce.

— Nous avons reçu des nouvelles ? demandé-je impatiente et pleine d'espoir.

— Toujours pas, malheureusement.

La lueur de joie dans mes yeux s'éteint de nouveau et je m'affaisse un peu plus dans mon fauteuil. L'attente est longue, tellement longue. J'aurais dû recevoir une missive depuis longtemps. Il l'avait promis. Puis quatre jours sont passés, ce qui veut dire que leur plan ne s'est pas déroulé comme ils l'espéraient. J'espère qu'ils n'ont pas trop de problèmes.

— C'est justement ce qui me tracasse. Devrions-nous envoyer un messager en éclaireur ?

— Envoyez plutôt un soldat, je réponds. Cela sera plus prudent.

— Bien.

Le chef de garde quitte mon bureau en refermant la porte derrière lui. S'il vient me poser cette question, c'est qu'il est inquiet, lui aussi. Il n'aurait pas pris la peine de se déplacer sinon. J'ai eu vent qu'il aurait aimé participer à l'arrestation de Mayela, mais le Conseil et moi-même avons décrété qu'il serait trop imprudent d'envoyer deux chefs de garde à la fois. Cependant, si l'éclaireur revient avec une demande d'aide ou qu'il s'est rendu compte que la situation était bien trop instable, un second bataillon sera envoyé pour soutenir le premier. Valerian en fera sûrement partie au besoin et prépare déjà quelques soldats, tandis que Mirelty dirigera sa garde et fera appliquer ses ordres le temps de son absence.

Durant quelques secondes, mon regard alterne entre la pile de documents dont je m'occupe depuis de longues minutes et le tiroir de mon bureau contenant des feuilles vierges. J'hésite. Puis je cède. Je pousse les factures dans un coin de mon espace de travail et saisis quelques feuilles de papier blanc que je dispose devant moi. Je rapproche mon encrier et y verse quelques gouttes d'eau, mélange légèrement avec le bâtonnet en bois juste à côté et m'empare de ma plume. Mais c'est le trou noir, la page blanche.

Cher sénéchal, je commence à écrire.

Non, cela me paraît trop étrange. Je fais glisser la feuille sur le côté et m'empare de celle qui attend en dessous. Je frotte le haut de la plume sur mon menton comme si cela allait m'aider à réfléchir un peu mieux.

Sénéchal Ezeckiel,

Voilà quatre jours que nous n'avons aucune nouvelle de vos avancées face à la sorcière...

Ça ne me plait pas non plus. « La sorcière », non mais franchement ? Alors une seconde fois, je fais glisser la feuille de papier sur le côté. Et je recommence, encore et encore, jusqu'à n'en plus pouvoir. Mon sang pulse violemment dans mes veines à mesure que l'agacement monte en moi. Ça y est, c'en est trop ! J'arrache ma feuille de sa pile, me défoule dessus en la froissant et en la déchirant et je la jette sur le bureau. Et cette fichue feuille m'énerve d'autant plus qu'elle a le culot de ricocher pour venir tomber dans un bruit des plus agaçant sur le sol. Si Dashalric n'était pas dans la pièce, je me ferais un plaisir de sauter dessus à pieds joints pour lui retirer l'idée de la tête de recommencer à faire ce bruit insupportable de papier qui se froisse !

Le secret des reines de DiopelfeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant