Chapitre 16

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Il dit vrai. Quelle idiote je suis, à me laisser influencer par tout ce que j'entends, à me méfier de tout et à n'accorder ma confiance à personne. Je manque cruellement de discernement, c'en est effrayant.

Je m'appuie contre le dossier du fauteuil en m'éloignant des parchemins étalés sur le secrétaire. Ezeckiel ne mentait pas, les hétérocères ont tout rapporté aux scribes. Mais ce que j'apprends est bien pire que ce qu'il n'a révélé. J'apprends que, durant les trois jours du couronnement, les espions et lui ont intercepté près de trois kilos d'opium, de sel des marais et de fraises bleues, un cocktail indétectable dans le vin qui donne de terribles maux de ventre. Avec cette quantité, tout le peuple aurait pu y passer. Cette réflexion résonne dans mon esprit comme un coup de masse à l'arrière de mon crâne.

Plus terrible encore, un groupe a réussi à infiltrer les passages secrets et à avancer jusqu'à mes appartements au moment où j'ai quitté la salle du trône. Si le sénéchal était arrivé quelques secondes plus tard, il n'aurait pas pu maitriser le faerie avant qu'il ne rentre dans ma chambre pour se débarrasser de moi. J'aurais disparu aussi vite que je suis apparue. Moi qui pensait qu'il s'agissait de souris courant dans les murs, alors que le sénéchal jouait sa vie pour me protéger et s'assurer que j'aille bien.

Je me sens d'un coup terriblement mal. Je suis injuste envers lui et je m'acharne à cause de préjugés fondés sur des piliers de sable. Il commence à se faire tard, mais je lui dois de sincères excuses. J'emporte les parchemins avec moi et quitte ma chambre, toujours accompagnée de quelques gardes composant ma garde personnelle.

A l'entrée de l'aile des chefs de garde, les soldats me laissent m'aventurer seule jusqu'à la porte d'Ezeckiel sans poser de questions. Je lève la main pour frapper la porte ornée d'or, mais j'interromps mon mouvement. J'entends une voix à l'intérieur, une voix douce et légère. Je tends l'oreille pour savoir si je peux me risquer à les déranger.

— J'ai dit ça sous le coup de l'agacement, je...

— Je sais, Zack. Tout le monde est tendu en ce moment. Tu devrais te reposer un peu, prends au moins le temps de faire une nuit entière.

Je reconnais le ton calme et rassurant d'Elowyn. De toute façon, je crois bien qu'il n'y a qu'elle qui lui attribue ce petit surnom.

— Je n'ai pas le temps pour ça.

— Tu arrives à saturation. Si tu craques maintenant, tout le monde va craquer. Crois-moi que je vais te ligoter à ton lit et te surveiller toute la nuit s'il le faut, si tu refuses de dormir. Ou pire ! Si la reine te punit pour ce que tu as dit, je m'allierais à elle et je ferais venir des chèvres pour qu'elles te lèchent de partout jusqu'à ce que tu tombes dans les pommes !

Un petit rire fatigué s'échappe des lèvres d'Ezeckiel.

— D'accord, d'accord, je vais dormir. Tu es diabolique.

Le bruit de verres qui tintent résonnent.

— A ton dernier jour en tant que sénéchal.

— Santé !

Je me rappelle soudainement que je n'ai pas la discrétion d'un espion et je n'ai pas envie que quelqu'un me découvre en train d'écouter aux portes de mes suppléants. Abandonnant ce petit moment de légèreté entre deux amis dont je ne fais pas partie, je quitte l'aile des gardiens.

Il fait sombre et les couloirs sont illuminés par des luminaires pendant au plafond ou des lampes joliment décorées accrochées aux murs, que les fées de maison s'attellent encore à allumer à l'aide de bougies et de bâtonnets en bois, debout sur des marchepieds.

Le secret des reines de DiopelfeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant