Les gardes ouvrent les portes de mon jardin secret lorsque j'arrive. Mayela est déjà à l'intérieur et ils surveillent l'entrée, sachant pertinemment qu'elle ne peut pas sortir par ailleurs. La sorcière déambule sans but entre les reines pétrifiées, les yeux levés vers le plafond, admirant le dôme de verre et les sculpture qui l'entourent. Ses ailes frétillent lorsque le courant d'air provoqué par mon entrée la touche. Elle se tourne vers moi, un léger sourire en coin.
— Votre Majesté, me salue-t-elle. J'ai cru que vous ne viendrez pas ! Je suppose que si nous sommes ici, c'est que le Conseil a validé notre petite affaire.
— Il a été dur à convaincre, sans Ezeckiel pour témoigner. J'aurai eu le dernier mots dans tous les cas, et je pense que vous ne m'auriez pas vraiment laissé le choix, de toute façon.
— Jamais deux sans trois, comme on dit ! Mais si j'avais dû me battre à nouveau contre vous et le peuple, j'aurai été bien moins gentille.
— Vous seriez allée jusqu'à tuer ?
— Je ne suis pas une tueuse, mais je ne dis pas que je ne me serais pas attaquée de plus près à la Cour.
Je dévisage Mayela qui ne prête aucune attention à moi et reste focalisée sur les gravures des colonnes de marbre desquelles elle semble découvrir un intérêt soudain et nouveau.
— Et donc vous avez choisi de virer le petit sénéchal ?
— Il ne participe plus au Conseil jusqu'à son jugement. Il possède encore son statut pour le moment.
Mayela se tourne enfin vers moi, dénoue les bras de son dos.
— Ne soyez pas trop dure envers lui. Ne laissez pas vos émotions vous diriger.
— Vous êtes mal placée pour dire ça.
La sorcière ricane, un rire sincère qui me prend de court.
— Peut-être bien. Ce n'est pas quelqu'un qui fait le mal, encore moins intentionnellement. Il préfère se concentrer sur son physique, ça lui prend déjà beaucoup de temps, sourit-elle. Plus sérieusement, c'est un acharné du travail qui fait toujours du mieux qu'il peut. Toujours. Il a fait une erreur, vous ne l'avez pas bien perçue, ça arrive. Ne le prenez pas personnellement. Ne le jugez pas comme s'il était votre amant, jugez-le comme un gardien.
Me voilà en train d'écouter les conseils de la femme que le reinaume entier traque depuis des mois, qui autrefois était la fiancée du sénéchal. J'ose encore me demander quand se termine ce rêve bien trop long... Ne pas le juger comme mon amant, bien sûr que je ne le juge pas de cette façon !
— Vous vous inquiétez de son sort ?
— Pas le moins du monde, chacun ses problèmes ! Il y a bien longtemps que je ne me préoccupe plus des autres... Je me suis détachée de beaucoup de choses en prison, vous savez. Ça laisse le temps de réfléchir, mime-t-elle en donnant deux coups sur son front avec son doigt.
J'avance jusqu'à Imelda dont le corps pétrifié n'a pas bougé depuis trois jours. Mes doigts glissent sur ses mains, sur son visage, comme une caresse. Je lis son expression troublée alors qu'elle ne s'attendait pas à se retrouver pétrifiée. Serait-ce étrange de la prendre dans mes bras ? Car une fois que son corps aura disparu pour de bon, je ne pourrais plus jamais lui parler. Je ne pourrais plus lui poser de questions sur Diopelfe, sur son règne, sur sa vie, sur ses habitudes. Non, cette fois-ci elle aura complètement disparue. Je ne suis même pas sûre que son âme retrouve sa forme d'oiseau.
— N'y a-t-il pas d'autres moyens que de la faire disparaître ?
— Ecoutez, c'est la première fois que j'utilise l'énergie d'un mort pour un sort, d'accord ? répond la sorcière en s'échauffant les doigts. Je ne suis pas tout à fait certaine du résultat. Mais elle a servi à ôter la magie au peuple, elle servira à la lui rendre. Qu'elle paie ses actes et qu'on en finisse !
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Le secret des reines de Diopelfe
FantasíaAurore n'a pour souvenir que son nom lorsqu'elle se réveille dans le royaume de Diopelfe où on la couronne reine. Alors que le peuple réclame le retour de la magie, presque complètement disparue depuis la crise magique, le mystère des reines plane...