Chapitre 48

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Depuis que les soldats sont rentrés, il y a de ça trois jours, la foule s'agglutine devant les grilles du palais. Le peuple se bouscule pour tenter d'apercevoir la sorcière ou pour essayer de comprendre ce qu'il se passe. Le calme revient peu à peu dans le reste du reinaume. Seule la ville est mouvementée à présent. La ville, et le palais. Les fées de maison courent dans tous les sens, leurs souliers martelant le sol sans cesse, afin de soigner les soldats blessés, apporter des remèdes, des bandages, des compresses. L'odeur du bouillon de poulet embaume les couloirs de la cuisine à l'infirmerie, puis se propage jusqu'à quelques chambres. Des médecins ont été appelés en dehors de la ville pour aider. Nous n'avons pas l'habitude d'un tel massacre. Pourtant, les alchimistes et les infirmiers font tout leur possible.

Une boule s'est formée au creux de mon ventre. Mayela ne bouge pas de sa cellule de papier, elle ne tente même pas d'effrayer quiconque l'approche pour la nourrir. Elle est calme, peut-être trop, je n'en sais rien. Elle a l'air soulagée, apaisée. J'ai la certitude qu'elle a accepté cette fin. Pourtant, malgré ma promesse, je doute. Tout me paraît si fou, je me sens complètement déconnectée de la réalité. Et tous ces gens qui rentrent au palais blessés à cause des illusions qu'elle leur a infligé... Je me sens de moins en moins capable de gérer ce qui ne saurait tarder à arriver. Deux jugements bien lourds à poser que je redoute du plus profond de mon âme.


***


J'ai tenu à effectuer le jugement en toute intimité. Dans la salle du trône sont installés des bancs qui serviront plus tard pour le peuple. A droite se tiennent Florifer, Fangir et Narïbelle. A gauche, Elowyn, Valerian, Mirelty et Dashalric. Quelques rares gardiens ont été autorisés à l'arrière, notamment pour avoir des témoins. La grande porte est gardée par des soldats, comme l'accès aux cuisines et la porte derrière moi qui me permet d'apparaître et disparaître quand bon me semble lors de réceptions.

Mayela fait son entrée dans la salle, entourée de quatre gardes, sans oublier ceux qui la tiennent par les bras. Elle est recouverte d'une cape noire qui cache ses ailes et dissimule son corps. Des gants de fer entourent ses mains qui sont reliées à des chaînes accrochées aux ceintures des gardes. Les conditions du jugement sont claires, nous en avons parlé. On l'agenouille directement sans lui laisser le temps de prendre sa défense ou de plaidoyer.

— Mayela Wikka, de la cité de l'air du Nord, vous êtes accusée de rébellion, abus de magie, abus de pouvoir, mise en danger de la couronne et destruction de biens. Vos actes ont entraîné indirectement la mort de douze gentilés, gardiens et peuple confondus.

La sorcière décolle enfin ses yeux du sol. Elle n'est pas le moins du monde effrayée par la sentence qui approche. Son regard se lie au mien tellement intensément que j'ai l'impression de voir apparaître un fil magique à peine plus clair que ses cheveux entre nous, nous reliant comme si nous partagions à présent le même fardeau. Il n'y a plus de haine ou de violence. Troublée, je tarde à reprendre la parole.

— Vous êtes condamnée à quinze années de prison, augmentant de cinq ans à chaque comportement déviant ou dangereux, de dix ans en cas de tentative d'évasion, sans possibilité de libération. Seule la reine de Diopelfe peut modifier votre peine.

Je lève la main face à elle pour signifier que j'en ai terminé. Cachée derrière ma paume, je ne la vois pas partir. J'entends seulement les cliquetis de ses chaînes s'éloigner, repartir en direction du cachot souterrain en attendant que le peuple soit rendu au palais, pour la faire voyager jusqu'à la prison parmi un cortège de soldats. Dashalric est avachi sur le banc. Il la regarde partir, désolé. Il n'est pas déçu, seulement triste que les étoiles lui aient réservé ce destin de peine et de souffrance, à elle, cette petite fille sur qui il a veillé comme si elle était la sienne toutes ces années.

Le secret des reines de DiopelfeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant