Chapitre 37

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Voilà six jours à présent que la mission visant à capturer Mayela a débuté. Nous n'avons toujours aucun signe de vie du premier bataillon parti, malgré les lettres et les relances que j'ai envoyé au sénéchal. Pas même le retour d'un messager ou d'un oiseau que nous avons envoyé. Aucune nouvelle. Rien. L'escouade de Valerian est donc partie en renfort ce matin, lors d'une très légère éclaircie, sous les regards inquiets des chefs de garde et des Influents. Mais cette fois-ci, ils ont pour ordre de faire demi-tour en cas de trop grand danger pour leur laisser une chance de rester en vie. Car bien que je peine à imaginer cette possibilité, ou plutôt que je refuse de l'envisager, le premier bataillon a peut-être été entièrement décimé. Je ne peux m'ôter de la tête la mort de Hearl sous mes yeux, ni le nuage de mites, ni le message macabre de la sorcière. Je ne peux oublier les atrocités qu'elle a commise et je n'ai aucun mal à penser qu'elle pourrait recommencer à n'importe quel moment.

Comme à chaque fois que je possède un court temps de pause dans mon travail bureaucratique, j'écris une lettre. Quelques mots, quelques phrases, parfois tendres, parfois inquiets. Parfois bien plus sérieux, il faut bien. Je ne les envoie pas toutes, heureusement, mais je crois bien qu'écrire me fait du bien. Alors j'écris, c'est tout ce que je peux faire.

Puis quand je ne suis pas occupée à travailler dans mon bureau ou à suivre quelques cours théoriques avec Mirelty, que je n'ai pas vu depuis longtemps, je m'entraîne. J'apprivoise l'armure des reines. J'apprends à supporter son poids, à bouger fluidement, à porter des poids avec, à utiliser ma lame, à me relever rapidement... J'apprends à me battre et à résister, car je ne sais pas ce qui m'attend au dehors, de l'autre côté des murailles, dans les plaines du centre. Quitte à risquer ma vie, autant la risquer pour le peuple et remporter la victoire.

Dashalric est au courant, bien sûr. Mais Elowyn aussi. Elle m'a aperçu en train de me battre contre des mannequins alors qu'elle passait dans l'armurerie pour récupérer des fioles en verre vides pour les préparer pour les soldats. Grâce à elle, je possède désormais une potion de légèreté à enduire sur mon armure. Je peux ainsi bouger sans qu'elle ne me gêne et sans être embêtée par son poids. Une armure en or, ce n'est pas ce qu'il y a de plus facile à porter. Alors de temps en temps elle nous accompagne, me corrige sur ma posture ou l'orientation de mes coups, comme le liseur d'étoiles ne connaît rien en matière de combat. Comme Dashalric, elle m'a avouée être inquiète de me voir partir du palais sans savoir ce qui m'attend, d'autant plus que je suis encore une jeune reine, que je n'ai même pas passé une année entière à Diopelfe, mais qu'elle admire ma force de caractère et mon courage. Je crois bien qu'elle a prononcé les mots qui m'ont le plus touché depuis que je suis ici : « La relève de la reine Imelda est assurée. Vous lui ressemblez plus que vous ne le pensez ». Car si ce que je vois dans le monde des reines est réalité, il n'y a rien qui puisse me rendre plus fière que de lui ressembler.

Les jours passent et l'étui de l'épée à la ceinture de l'armure est toujours vide. Mais les manches de celles des soldats sont trop larges pour mes mains, même pour les plus petites. Je n'arrive pas à les tenir sans que mes paumes et mes doigts ne deviennent rapidement douloureux ou que l'arme ne m'échappe. Ce n'est pas faute de les avoir toutes essayées, au moins tenues en main. Mais je n'arrive pas à manier les épées des soldats et mon poignard me sera peut-être moins utile sur le champs de bataille.

— Nous devrions envisager de vous faire faire une épée comme la reine Imelda, votre Majesté, mais cela prendra du temps...

Un peu essoufflée par les mouvements que je viens de faire avec l'épée que j'ai entre les mains, je n'ai eu le temps d'entendre que deux mots de la bouche d'Elowyn : « épée » et « Imelda ».

— Elowyn, vous êtes une génie ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?

Croyant que tout le monde a compris la même chose que moi, je me débarrasse de l'armure en vitesse et la repose sur son socle avant de filer à l'autre bout du palais, suivie par Elowyn et Dashalric qui ne comprennent pas ce que je fais. Je monte quatre à quatre les marches de la bibliothèque en demandant aux gardes de rester à l'extérieur, puis nous rejoignons la salle des reines.

Le secret des reines de DiopelfeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant