Le secret des reines de Diopelfe

Chapitre 15

— Nous avons renforcé les enchantements à la prison et regroupé quelques détenus pour libérer de la place. Certains habitants commencent à abuser de leurs pouvoirs et nous avons intercepté ceux qui représentent un danger en attendant leur jugement. Le peuple se sent menacé.

Les yeux cernés et la barbe mal taillée de Valerian me laissent penser qu'il y a bien longtemps qu'il n'a pas retrouvé son lit. Pourtant, il a toujours fière allure. La prestance de cet homme ne cessera jamais de m'impressionner. Il a dû passer plus de temps à éplucher le reinaume et dans les tréfonds de la prison qu'au palais dernièrement.

— Les fées sont contenues dans la forêt et mes alchimistes ont administré des calmants aux animaux sauvages. Nous les renouvelons aussi souvent que besoin, dès que les espions nous avertissent que l'un d'eux recommence à se montrer agressif. Les cargaisons de calmants pour le peuple sont distribués à la prison tous les jours. En revanche, nous n'avons plus de quoi faire des potions de protection. Trois gardes et un alchimiste sont affectés par le retour de la magie et en deviennent malades lorsqu'ils ne l'utilisent pas. Le trop plein de magie soudain est dangereux pour leur corps et je pense que c'est ce qui rend agressifs les habitants, ou du moins, cela peut participer.

— Quelqu'un s'occupe d'eux ? je demande.

— Ils sont isolés dans leur chambre pour le moment, répond Florifer. Je leur concocte des remèdes pour apaiser leurs maux. Ils défoulent leur magie sur des mannequins dans la cours d'entrainement à chacune de leur sortie quand la fièvre leur permet. Deux orcs entrainés et un garde les encadrent. Mais j'ai bien peur qu'il soit difficile d'accorder ce confort à chaque personne contaminée...

— Qu'en est-il de vos recherches ? je demande en m'adressant à Ezeckiel, Valerian et Narïbelle.

— Toujours rien, elle s'est volatilisée.

— Le peuple marin s'attelle aussi à la tâche. L'île du prisonnier est entourée par les plus vaillants et les eaux sont bien calmes. Si elle est encore dans le reinaume, elle est loin de la mer.

— Contrairement aux étoiles qui sont bien agitées. Cela n'annonce rien de bon, j'en ai bien peur...

— Le peuple pose des questions, votre Majesté, lance Mirelty en mêlant ses doigts sur la table. Il va falloir lui répondre avant qu'il ne se soulève.

Moi qui avait voulu éviter de semer la panique, je pense qu'il est trop tard désormais. Je le vois bien dans les centaines de courriers que je reçois et je comprends leur inquiétude. Mais que se passera-t-il quand le peuple comprendra l'ampleur de la menace ? Ne va-t-il pas se soulever dans tous les cas ? Ne va-t-il pas assaillir le palais à la recherche de protection ou pour nous accuser de ne pas avoir été assez vigilants ? Les armes vont-elles se retourner contre le palais plutôt que contre les malfaiteurs ?

— Nous vérifions et répétons les enchantements tous les mois, j'entends lorsque je sors de mes pensées.

— Mais vous êtes des alchimistes, que connaissez-vous de la magie et des enchantements ? réitère Fangir pour la millième fois, persuadé que la garde de l'alchimie a quelque chose à voir dans les évènements récents, cherchant sans relâche un coupable.

— Ce n'est pas notre domaine de prédilection, mais les alchimistes et moi sommes assez doués pour nous occuper de ce terrain, répète encore la cheffe de garde alors que son nez trépigne d'agacement.

— La magie n'est praticable par aucun de vous ou presque !

— Mais nous savons gérer les enchantements ! Si on nous a confié le domaine de la magie après son départ, ce n'est pas pour rien !

— La magie n'est pas praticable, elle est instable et dangereuse, tranche Ezeckiel pour défendre son amie. Ils font de leur mieux.

— Il est vrai que mon seigneur en connait un rayon sur la magie. Comment se portait Mayela durant votre dernière visite ? Vous a-t-elle parlé de son projet d'évasion autour d'une tasse de thé ? attaque Fangir avant même que le sénéchal ne puisse poursuivre.