Chapitre 44

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— Hors de question, crache Ezeckiel.

Son regard est noir comme le néant. La colère qui l'anime est d'autant plus effrayante qu'elle ne se manifeste pas. Il est calme, beaucoup trop calme. Pourtant les muscles de son corps sont tendus et crispés. Il n'a pas l'air effrayé, mais rempli de haine. Juste de la haine. Prête à exploser à n'importe quel instant.

— Où voulez-vous aller dans le palais ?

— Dans vos appartements. Je ne chercherai pas à interagir avec qui que ce soit, ni à me battre ou à détruire vos petits murs royaux. Je dois juste avoir accès à vos appartements.

Ma gorge se noue. Me montrer les reines ? Dans mes appartements ? Alors... avais-je la réponse sous mon nez tout ce temps sans jamais m'en être aperçue ?

— Je peux vous montrer l'endroit exact en lisant vos souvenirs, tente-t-elle pour me convaincre. Puis-je me permettre ?

— Je suis étonnée que vous me le demandiez après tout ce que vous êtes allée y chercher.

Mayela ricane. Elle s'approche de moi, toujours en plein combat de regard avec le sénéchal, comme si elle le narguait, le méprisait, qu'elle avait le plein pouvoir et qu'il ne pouvait rien faire. Il bouillonne de l'intérieur. J'ai l'impression qu'il est prêt à lui couper la tête à la première occasion. Puis elle ferme les yeux quelques secondes, comme pour se concentrer ou me sonder de la tête aux pieds, et d'un mouvement de bras, elle fait apparaître une illusion encore plus vraie que nature. Mais là où je m'attendais voir la salle des tableaux, avec peut-être des tombaux cachés que je n'aurais pas encore découvert ou une surprise semblable, je découvre mon jardin secret, là où repose le kiosque et le bassin aux bourgeons. Comment ai-je pu être assez idiote pour passer à côté ?

— Avez-vous un cheval ? demandé-je alors que ma patience est mise à rude épreuve et que je n'en peux plus d'attendre.

— Ma Reine, vous n'êtes pas sérieuse ? demande le sénéchal effaré.

— Tu oses contredire ta reine ? rétorque fermement Mayela sans quitter des yeux les cascades illuminées par les lucioles.

Alors qu'elle s'apprête à supprimer son illusion, la sorcière s'arrête lorsqu'elle voit entrer le sénéchal dans mon souvenir.

— Oh oh, monsieur le sénéchal, mais que fais-tu ici ? murmure-t-elle un sourire en coin.

Elle se penche légèrement en avant, les mains dans le dos, comme pour mieux voir la scène. C'est comme si elle était absorbée par ce souvenir dont elle ne perd pas une miette. Ezeckiel me lance des regards insistants, mais je me concentre sur la sorcière en espérant qu'elle me montre quelque chose. Elle prend un air effaré lorsqu'elle nous voit nous embrasser. Un rire malsain sort du plus profond de sa gorge alors qu'elle se pince l'arrête du nez. Elle se retourne vers le sénéchal en pointant la scène du doigt.

— Oh non, Ezeckiel, me dis pas que tu as fait ça ? Sérieusement ?

Le sénéchal grince des dents.

— Tais-toi Mayela.

— Ton petit cœur est amoureux ? demande-t-elle en faisant faussement la moue. N'a-t-il pas comprit que les amourettes du palais ne durent jamais très longtemps ? N'est-ce pas toi qui répète sans cesse qu'elles ne finissent jamais bien ?

— Assez, grogne-t-il alors que ses doigts s'enfoncent dans sa peau autour de son collier.

Mayela accélère le souvenir. Son sourire dérangé s'étire de plus en plus sur son visage à mesure qu'elle vit la soirée que nous avons passé ensemble. Jusqu'à ce qu'elle nous voit enlacés en train de faire l'amour.

Le secret des reines de DiopelfeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant