Chapitre 10

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Depuis trois jours à présent, les espions d'Ezeckiel surveillent le palais avec une vigilance encore plus haute que d'ordinaire. J'ai l'intime conviction que la taupe se trouvent entre les murs du château. Mais ce qui m'inquiète encore un peu plus, c'est que les espions n'ont rien vu venir et que Valerian a été berné. Mais je n'ai aucun doute sur leurs talents, je sais qu'ils vont réussir à l'intercepter au plus vite.

Les lettres des habitants de la forêt morne et des alentours ne cessent de se multiplier. Je passe mes journées dans mon bureau à répondre à leurs demandes d'aide, tout en essayant de coordonner les actions des alchimistes avec celles des espions et des quelques soldats qui ont rejoins le bataillon d'exploration. La magie des fées unseelies ne fait qu'augmenter et les ravages qu'elles font sont de plus en plus dévastateurs. Florifer est revenu en urgence hier au palais avec des plantes qui serviront à Elowyn pour préparer des potions que le bataillon utilisera dans l'après-midi pour faire un prélèvement.

Ezeckiel m'a très fortement recommandé de ne pas franchir l'enceinte du château vers l'extérieur. Autrement dit, il m'oblige à rester confinée sans vraiment m'en donner l'ordre. En tant que sénéchal, il ne peut pas m'en donner, comme personne dans le reinaume. Il ne peut que faire des recommandations. Alors j'écoute deux paysans qui se chamaillent une parcelle de terre depuis deux heures, assise sur le trône. Des histoires de familles divisent les deux hommes depuis des générations, chaque argument est bon pour contrer le précédent et Ezeckiel n'est pas là. Je ne sais pas comment je vais faire pour les départager, simplement couper le champs en deux ne leur plairait pas.

Alors que je les écoute argumenter, un espion à la peau noire comme le charbon et aux yeux d'un bleu étincelant s'approche discrètement de moi.

— Votre Majesté, il semblerait qu'il y ait aussi une augmentation de la magie dans les montagnes du Septentrion. Des mineurs se sont fait attaqués par des ours roux, ils recommencent à grossir de manière incontrôlée lorsqu'ils sont en colère. Deux d'entre eux sont gravement blessés.

— Y a-t-il quelqu'un sur place pour les soigner ?

— Deux soldats et un alchimiste spécialisé dans le soin viennent tout juste de partir. Je suis désolé de ne pas avoir attendu vos ordres pour...

— Ne vous excusez pas, vous avez bien fait. Leurs vies sont plus importantes.

L'audition reprend, bien que je ne les écoute plus que d'une oreille. Tout cela me tracasse. Je ne comprends plus rien à ce qui est en train de se passer. Cette épidémie de magie va finir par rendre fou le reinaume entier. Je rends mon verdict et les deux hommes sont accompagnés par un notaire qui va rendre officielle ma décision, acceptée par les fermiers.

Lorsqu'on m'appelle pour me dire que le déjeuner est servi, je prends tout juste le temps de boire d'une traite mon verre de vin et j'avale tout rond le canard laqué aux mûres vertes et les pommes de terre épicées qui l'accompagnent. Je me rends personnellement au bureau du sénéchal et frappe à sa porte. Pas de réponse. J'attends un peu et je recommence. Toujours rien. Il doit être en train de manger. J'intercepte une femme de chambre qui passe dans le couloir et lui demande si elle pourra transmettre à Ezeckiel que je l'attends dans mon bureau aussi vite que possible.

Mais plus le temps passe et moins j'ai de nouvelles. Je scelle la dernière réponse à envoyer aux habitants près de la forêt, puis la dépose dans le plateau d'argent qui leur est destiné. Un messager à la peau pâle comme de la glace et aux cheveux cristallins vient chercher les feuillets à distribuer. Je range ma papeterie et sors du bureau, je ne peux pas rester à rien faire.

En chemin vers le laboratoire d'alchimie, je croise Mirelty.

— Elowyn est ici ? je demande.

— Pour quelques courtes minutes encore, elle s'apprête à quitter le palais.

Le secret des reines de DiopelfeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant