Chapitre 34

9 1 7
                                    


Dans quelques heures, Ezeckiel et une unité militaire composée de soldats, d'espions et de quelques alchimistes vont quitter le palais pour affronter Mayela. Si tout se passe pour le mieux, trois jours, grand maximum, leur suffiront. Si tout se passe pour le mieux, il n'y aura pas d'affrontement trop violent, ni de blessés ou de morts. Si tout se passe pour le mieux, Ezeckiel et ses hommes rentreront sains et saufs, avec la sorcière au bout d'une chaîne, prête à subir son jugement.

Les plaines du centre sont inondées et les arbres des alentours sont courbés par le vent, si bien qu'ils risquent de garder leur nouvelle forme même une fois le combat terminé. Je ne me fais pas d'illusion, je sais que Mayela se défendra. Les quelques rares habitants qui n'ont pas fui ont été évacués discrètement par quelques espions qui surveillent encore la zone. Les plaines sont désormais désertes, si l'on passe outre les élémentalistes qui forment une sphère puissante où ils décident de déchaîner les éléments.

L'armurerie et la salle de stratégie des soldats ressemblent de plus en plus à une fourmilière où grouillent les insectes prêts à défendre leurs provisions d'une attaque de criquets. On lisse les boucliers, répare les lances, ajuste les armures. Leur équipement doit être impeccable. Les écuyers font le lien avec la salle d'alchimie pour apporter les fioles de protection et de renforcement qu'ils attachent à des ceintures qu'enfilent les militaires pour s'en servir plus facilement. On prépare plus de flèches, aiguise les épées, lustre les casques. Les plus jeunes sont excités d'enfin mener une bataille. Ils ont hâte de tester leurs capacités, de mettre en œuvre tout ce qu'ils ont appris. Ils sont fiers d'avoir été choisis pour participer et leur égo est flatté. Leur imagination divague ici et là, racontant des histoires de soldats vaillants pour se donner du courage, de luttes et de batailles victorieuses, des anecdotes romantisées de la crise de la magie. Les plus expérimentés n'osent pas se mêler à leur conversation, ils savent déjà ce qui les attend. Un soldat plus âgé se joint à eux et essaye de leur faire peur : lui y a participé pour de vrai, il s'est déjà battu sur un champs de guerre et a déjà affronté Mayela. Il la dépeint comme une sorcière atroce aux crocs acérés et aux yeux entièrement noirs, sans vie, desquels s'écoulent des larmes de sang, dont les ailes de papillon sont en lambeaux, les doigts crochus et les bras recouvert d'une matière noire inconnue qui gagne progressivement son corps. Il la décrit comme un monstre, bien loin de la magnifique jeune femme déterminée et souriante des peintures que j'ai vu d'elle.

Peu à peu, l'armurerie se vide et le brouhaha s'apaise, laissant place au fracas des bottes métalliques ou de cuir sur le plancher de l'étage du dessus et des voix plus étouffées. Les trois chefs de garde doivent réexpliquer leur organisation pour être sûrs de ne faire aucun écart. Ils répètent les consignes de sécurités pour éviter la casse et les blessés, répondent aux dernières questions, s'assurent que tout le monde a bien compris.

Je profite de cet apaisement pour me rendre dans une petite pièce légèrement à l'écart dans l'armurerie, toujours suivie de Dashalric. Le forgeron royal s'y trouve, à côté de l'armure des reines, toute faite d'or. Il ajuste un minuscule boulon que l'on voit à peine et s'arrête lorsque je rentre dans la pièce.

— Votre Majesté, vous tombez bien. J'aurais besoin que vous essayiez le plastron. Je l'ai légèrement rétrécit, comme demandé.

Je prends place sur le marchepied qu'a installé le forgeron et tend les bras pour qu'il puisse m'aider à enfiler la pièce d'armure. Il l'attache correctement autour de mon buste et recule de quelques pas.

— Essayez de bouger, pour voir.

Je m'exécute.

— C'est parfait, merci. Qu'en est-il du reste ?

Le secret des reines de DiopelfeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant