Le secret des reines de Diopelfe

Chapitre 35

Les gardiens rassemblent leurs dernières affaires avant de partir. Certains sont déjà en rang dans la grande allée devant l'entrée principale de la cour, d'autres déposent leurs sacs dans les carrioles qui contiennent du matériel pour monter un petit camp de ravitaillement avec les quelques tentes de repos pour les blessés et pour se reposer si le combat s'éternise, tandis que les derniers sont encore entre les murs du palais à se préparer.

Mon corps est en alerte. Je sens la sueur tracer une ligne glaciale dans mon dos, ma bouche complètement sèche et mon cœur tambouriner si fort. Il faut que je me calme, tout va bien se passer. Tout sera vite terminé. On inspire, on souffle, on se détend. Bon sang, je vais avoir besoin de thé à la camomille, beaucoup de thé.

J'ai choisi en conscience le salon aux meubles de rotin pour sa vue sur la cour. Je regarde les gardiens s'affairer tandis que l'on m'apporte une tasse de thé brûlant que j'avale d'une traite sans pouvoir manger les biscuits dans l'assiette qui l'accompagne. Je ne vais pas tarder à aller les saluer et leur souhaiter bon courage. Je distingue Valerian et Fangir, dont quelques-uns de ses hommes se sont portés volontaires pour aider à la capture de la sorcière, bien heureuse que les animosités du passé ayant forcé une reine à scinder l'île de Diopelfe en deux pour séparer les orcs des autres faeries soient oubliées. Même si je sais que cela remonte à plus d'une centaine d'années, cela me rend heureuse de savoir qu'il est possible de changer le cours des choses et que l'histoire est sans arrêt en mouvement. Je vois cette alliance comme un signe d'espoir, priant les étoiles pour l'union, l'harmonie et la paix des faeries.

Cependant je ne vois pas Ezeckiel. Je me tord légèrement sur mon fauteuil pour essayer de le trouver, mais impossible. Il doit toujours être entre les murs du palais, peut-être en train de donner des consignes à ses hommes qui ne l'accompagnent pas, le temps de son absence. J'hésite un instant à partir à sa recherche. Non, cela ne ferait que lui faire perdre du temps et je n'ai pas envie de promener Dashalric dans tout le palais... Mais peut-être qu'il ne reviendra pas. C'est idiot, bien sûr qu'il reviendra ! C'est un chef de garde et le sénéchal, il est doué, il s'en sortira ! Mais il s'approche de Mayela après tout, il sera au cœur des enjeux et de la tempête... Par la grande étoile du Septentrion !

Je vide la théière dans ma tasse et avale d'une traite le reste de thé. J'abandonne la porcelaine sur la table basse en verre et en rotin et je quitte le salon sans remarquer le sourire en coin qui se dessine sur le visage de Dashalric qui ne dit pas un mot. Toujours sous la surveillance du liseur d'étoiles, je parcours le palais pour retrouver le sénéchal. Mon intuition me dit qu'il n'est pas dans son repère ou dans les passages secrets et il n'y a plus personne dans la salle des soldats. Je m'avance donc jusqu'à son bureau où je frappe, sans réponse. Alors que je me dis qu'il est peut-être rendu dehors, je croise un soldat, bagage sur l'épaule, et lui demande pour m'éviter un aller-retour à l'armurerie. Il ne semble pas s'y trouver, tant mieux. Je continue mes recherches jusqu'à arriver devant la porte de ses appartements. J'hésite. Mais Dashalric, lui, pas une seconde. Perché sur son nuage flottant, il frappe trois petits coups à la porte. Je me retourne vers lui, surprise et muette, peut-être un peu paniquée aussi à cause de cette intervention inattendue.

— Je me dépêche, j'entends de l'autre côté de la porte. Entrez.

Je regarde Dashalric un peu perdue. Je me sens comme lorsque j'espionnais Élise Floconbleu et son amant dans mon rêve du pays des reines, comme une petite fille. Je ne sais pas si je cherche ses encouragements ou son approbation, et puis après tout je n'en ai pas besoin, mais je ressens ce besoin d'avoir un soutien. Je prends une grande inspiration et souffle lentement. Je suis prête, enfin je crois. Je me tourne vers mon ami pour lui demander un petit service.