Le secret des reines de Diopelfe

Chapitre 9

J'appuie mon front sur ma main en voyant la quantité de lettres que m'apportent les messagers en fin de matinée. Un plateau d'argent en est déjà rempli. Au lieu de me mettre au travail aussitôt, je me masse les tempes en fermant les yeux. J'ai besoin d'évacuer les tensions. Je respire lentement.

J'attrape mon ouvre-lettre en argent et me mets au travail. Parmi elles, une lettre provient du fin fond de la campagne de Diopelfe. Il s'agit d'une demande d'aide de deux paysans qui se chamaillent une parcelle de terre et qui me demandent de les départager pour savoir à qui elle doit revenir. Je reçois étonnement beaucoup de lettres du genre auxquelles je dois rédiger une rapide réponse pour les faire venir au château afin de débattre et de trancher. Je lis également quelques lettres importantes, quelques devis scellés à la cire rouge.

Mais plus j'avance et plus le même sujet revient sans cesse. Il semblerait que les petites fées unseelies qui m'ont interpelé dans les jardins il y a quelques jours fassent des blagues qui dérangent le voisinage. Les habitants des alentours de la forêt morne se plaignent de voir leurs fenêtres couvertes de miel puis de feuilles sèches, leur linge propre aspergé de plumes, des petits plats chauds à refroidir aux fenêtres qui disparaissent et qu'ils retrouvent à moitié mangés, les chants et les cris incessant... Je vois même dans deux lettres qu'au même endroit, un troupeau de chevaux identiques ravage les cultures. On me demande d'intervenir, de leur demander d'arrêter ou, plus radicalement, de leur retirer leur accès total à la magie.

Je me rappelle que les petites fées m'avaient demandé de leur rendre l'accès total à leurs pouvoirs, ce à quoi j'avais répondu non, mais je leur avais confié un cheval pour que, justement, elles n'envahissent pas les alentours avec leurs farces et qu'elles piègent les enfants solitaires. Peut-être était-ce une grave erreur de ma part. Peut-être que je n'ai pas réagi comme j'aurais dû. Je n'ai aucun accès à la magie et je ne la maitrise absolument pas, ce sont donc Elowyn et ses gardiens que je vais devoir envoyer au front pour avoir une chance de les calmer.

J'interpelle un garde qui se tient devant ma porte et lui demande de m'amener Elowyn le plus vite possible. Plus tôt cette histoire sera réglée, moins elle portera préjudice aux habitants.

J'ai à peine le temps de tenter d'organiser les lettres qu'on frappe à la porte. Les oreilles de l'alchimiste franchissent le seuil de la porte, puis elle entre quand elle me voit assise à mon bureau.

— Votre Majesté. Vous m'avez demandé ?

Je l'invite à s'asseoir sur la chaise que j'ai placé face au fauteuil.

— Nous avons un petit problème à la forêt morne. Il semblerait que les fées aient retrouvé un regain d'énergie soudain et s'amusent à malmener les habitants des alentours.

— Des alentours ? N'étaient-elles pas prisonnières de la forêt ? Je suis persuadée que des gardes et des alchimistes les ont raccompagnées après le couronnement. Oh oui, j'en suis certaine.

— C'est bien ça qui me tracasse, j'ai l'impression que leur magie a augmenté sans en connaître l'origine. J'aimerai que vos alchimistes ailles jeter un coup d'œil pour savoir ce qu'il s'y passe.

— Ne serait-ce pas aux espions de s'y rendre en premier ? Loin de moi l'idée de vous contrarier...

— Non, vous avez raison, c'est moi qui fais les choses à l'envers.

Il est vrai qu'il m'arrive de temps à autre d'oublier l'existence des espions. Ils sont si... discrets. Je n'ai pas encore eu l'occasion de les rencontrer, mis à part le chef de garde. Je ne suis même pas sûre d'en avoir déjà croisé un.

Je me râcle la gorge.

— Dans ce cas, qu'avez-vous besoin de savoir ?

Elowyn dresse une liste non exhaustive des éléments dont elle aurait besoin avant d'envoyer ses alchimistes. Bien que certains aient la capacité à en découdre au besoin, elle préfère éviter de prendre des risques inutiles. Puis elle me dit qu'elle se charge elle-même d'envoyer un ou deux espions à la forêt pour un premier repérage. Alors qu'elle s'apprête à partir, elle s'arrête tout juste derrière la porte, la main sur la poignée.