Le dessert que l'on m'apporte a l'air délicieux. Il s'agit d'un gâteau rond et mousseux, recouvert de coulis de fruit rougeâtre qui dégouline jusque dans l'assiette, et d'une violette. J'humecte mes lèvres, chassant le goût sucré imaginaire qui se forme sur ma langue, prête à déguster cette merveille avant d'enfin aller me coucher.
Je lève tout juste ma fourchette à dessert vers ma bouche que l'on tambourine à la porte. A contrecœur, je la repose sur la nappe blanche bordée de dentelle et fais un signe de main au sénéchal, posté à ma droite, d'aller ouvrir la porte.
Seel entre dans la salle à manger, trempé, laissant une rivière d'eau sur son passage dans laquelle baignent ses longues ailes translucides. Ses cheveux décoiffés tombent lourdement sur son visage et gouttent dans ses yeux. Il les chasse d'un mouvement de bras vers arrière, essuyant inefficacement son visage avec la manche de sa veste brune détrempée.
— Votre Majesté, sénéchal, commence-t-il en pressant son béret contre sa poitrine. Des élémentalistes sont de retour.
— Qui ça ? je demande.
— Ce sont des maîtres des éléments, des mages redoutables, répond le sénéchal. Je suppose que ce sont eux qui provoquent cette tempête.
— Tout à fait. J'ai eu vent de leur retour et je me suis assuré que c'est bien le cas. Ils sont une dizaine pour l'instant, mais d'autres sont en chemin.
— D'anciens gardiens ?
— Il y en a, en effet, mais surtout des gens du peuple.
J'ai tendance à oublier que le peuple possède lui aussi ses propres pouvoirs et que beaucoup savent utiliser, ne serait-ce qu'un peu, la magie des éléments qui est très répandue à Diopelfe, maniable sans artefact.
— Que veulent-ils ?
— Nous ne le savons pas pour le moment. Ils sont statiques, je n'ai pas l'impression qu'ils tentent d'attaquer le palais. Je n'ai repéré que des aquamanciens et des aéromanciens.
— Pas de maîtres du feu ou de la terre ?
— Pas pour le moment.
— Narïbelle a-t-elle retrouvé ses pouvoirs ? demande le sénéchal. Et Florifer ?
Avant la crise de la magie, Narïbelle maîtrisait l'eau comme personne. J'ai entendu dire que l'ambassadrice de la mer était capable de scinder l'océan en deux, de créer des tsunamis, de changer les marées... Il y a quelques années, le peuple de la mer qui ne pouvait pas avoir les conditions nécessaires pour se déplacer sur la terre était emmené au palais grâce à sa maîtrise, lorsqu'elle déplaçait l'océan quelques instants pour leur permettre d'arriver jusque dans les fontaines et les bassins. D'après Dashalric, elle était si puissante qu'elle avait été bénie par la Lune elle-même.
Quant à Florifer, même grand pacifiste, il pourrait tuer sans aucun souci. Sa connaissance des plantes est sans égal et sa maîtrise l'est tout autant. Il était capable de faire jaillir les plantes du sol et de les contrôler comme bon lui semblait, lianes comme ronces, de les faire grandir à l'infini, de les transformer en tout ce que son imagination était capable de produire. S'il utilise le peu de magie qui lui reste aujourd'hui pour tailler des arbres, il fut un temps où il créait des gardiens végétaux meurtriers sous l'ordre de la reine pour défendre le palais.
Savoir cela n'est pas rassurant. Si les plus grands élémentalistes se trouvent pour la plupart dans l'enceinte du palais, ceux du peuple n'en sont pas moins puissants. Puis, sans personne pour les empêcher d'utiliser leurs pouvoirs, ils pourraient bien faire de nous ce qu'ils veulent.
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Le secret des reines de Diopelfe
FantasyAurore n'a pour souvenir que son nom lorsqu'elle se réveille dans le royaume de Diopelfe où on la couronne reine. Alors que le peuple réclame le retour de la magie, presque complètement disparue depuis la crise magique, le mystère des reines plane...