Lorsque je me réveille, le Soleil de fin de matinée dessine des arcs dorés derrière la fenêtre de la chambre. Sulkie est déjà dans la pièce, c'est la seule personne qui a le droit d'entrer et sortir sans vérification des gardes qui attendent devant la porte de l'antichambre. Elle a préparé un bain dans lequel infuse des plantes. Je reconnais l'odeur de la rose et de la pivoine, avec une pointe de douceur sur laquelle je n'arrive pas à mettre de nom.
Je plonge dans l'eau laiteuse presque brûlante, mais la sensation est agréable comme l'air de la pièce est frais. Sulkie m'apporte un plateau qu'elle pose au bord de la baignoire ornée de feuilles d'or sur un petit meuble en bois. Je déguste des grappes de raisins entières et avale d'une traite la tasse flamboyante de lait chaud au miel. Lorsque je sors, la robe que je portais la veille m'attend. Je devrais la porter tout le long de la fête même si je viens à m'absenter pour dormir. Sulkie m'habille et coiffe mes cheveux de l'exacte même chignon de la veille en y nouant des tresses et en laissant deux mèches encadrer mon visage. Elle peint mes lèvres avec un rouge à lèvres au parfum fleuri et étale sur mes paupières de la poudre d'or qu'elle sublime avec un trait noir pour me donner un regard perçant. Je dois reconnaître qu'elle est habile de ses mains.
Dès que je suis prête, je retraverse les couloirs du château, guidée par ma servante et entourée de ma garde personnelle. Une sensation d'angoisse me pince le cœur lorsque j'arrive sur le dais où le trône royal, mon trône, domine toute la salle de bal. Les musiciens sont toujours en train de jouer, le peuple danse, la fête bat son plein. Je me sens tout d'un coup trop petite et impuissante face à tout ce monde et à cette responsabilité qui pèse sur mes épaules. L'euphorie de la veille m'a quitté.
Je repère le seigneur Florifer du domaine de Pithaya et l'ambassadrice des fonds marins. Vêtu d'une longue robe longiligne en pétales roses et d'une couronne de la même couleur, le seigneur est immanquable.
— Votre Majesté, me saluent-ils.
— C'est un plaisir d'enfin pouvoir vous rencontrer, ajoute le seigneur Florifer alors que ses longs cheveux blancs tombent devant son visage.
— Le plaisir est partagé.
En se redressant, le seigneur hume l'air d'un air songeur.
— Pivoine, rose et... muguet ?
L'ambassadrice ricane en cachant sa bouche avec sa main. Les écailles violettes dispersées comme des taches de rousseur sur ses joues frétillent. Je cherche à comprendre pourquoi il énumère ces fleurs, jusqu'à me rappeler qu'il s'agissait des fleurs flottant à la surface de l'eau du bain.
— Il ne se trompe jamais, ajoute Narïbelle.
— C'est moi qui m'occupe des compositions florales du palais. J'ai décoré les jardins, je prépare les plantes médicinales, les parfums et je travaille en étroite collaboration avec Elowyn et ses alchimistes.
Sa peau verte brille d'un éclat sans pareil et ses yeux blancs, arborant de longs cils, s'allongent à mesure que son sourire s'étire. Son visage est si doux qu'avec sa couronne, on dirait un bourgeon en fleur.
— En constatant l'étendue de vos pouvoirs au palais, je suppose que votre domaine doit être de toute beauté.
— Il est un peu plus terne depuis que ma magie a été restreinte, mais je reste convaincu qu'il n'y a pas plus bel endroit à Diopelfe que le palais et Pithaya.
D'un air songeur, il ajoute :
— Vous a-t-on parlé de la crise de la magie ?
— Oui, Mirelty commence tout juste à m'en parler.
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Le secret des reines de Diopelfe
FantastikAurore n'a pour souvenir que son nom lorsqu'elle se réveille dans le royaume de Diopelfe où on la couronne reine. Alors que le peuple réclame le retour de la magie, presque complètement disparue depuis la crise magique, le mystère des reines plane...