Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmes

Hannah - lundi 21 octobre

L'amphithéâtre bourdonne de bavardages. Tous les étudiants parlent, discutent, papotent. Ils échangent les derniers potins, s'émerveillent devant les nouvelles affaires des autres et se plaignent de leurs peines de cœur.

Mais au milieu de ce vacarme ambiant se dresse une bulle de silence. Au beau milieu de tout ce petit monde, assis à la meilleure place, se trouvent Matthieu, mon acolyte de toujours dans cette marée anonyme, et moi, Hannah, littéraire aguerrie. Aussi sérieux que les autres sont dissipés, nous sommes concentrés, lui sur la musique qui émane de son casque, et moi sur mon livre du moment.

Enfin, concentrée est un bien grand mot. Disons plutôt que je tiens ce livre pour cacher le fait que mes pensées s'envolent dans tous les sens. Quelle jolie image quand même, des pensées qui s'envolent... Pour cacher le fait qu'elles occupent tout mon esprit au point que ça en devient presque malsain.

Mais l'est-ce réellement ? Est-ce que penser, songer sans cesse à un seul et même sujet est malsain ? Ou bien est-ce qu'on n'appellerait pas ça plutôt une obsession ? Oui, sans doute. Une obsession tellement présente qu'elle occupe tout mon être.

Mais que puis-je y faire ? Cela fait tellement longtemps qu'elle est ancrée que je ne peux la déloger de mon esprit. Comme un arbre qui prend racine depuis des années, un arbre maintenant centenaire qu'il faudrait abattre à coups de hache.

L'écran de mon téléphone s'allume, me tirant brusquement de mes pensées. Je souris devant la notification « Mon p'tit chat vous a envoyé un message ». Il n'est pas censé être en cours celui-là ? Il n'a pas recommencé à sécher quand même, si ?

Je déverrouille mon portable et ouvre le message.

[Mon p'tit chat]: Tu t'ennuies pas trop chez les branleurs ?

Je pouffe silencieusement. Quel gros cliché !

Et toi, tu t'ennuies pas trop chez les attardés ? je réplique rapidement.

Œil pour œil, dent pour dent comme on dit. Tous les littéraires ne sont pas des branleurs enfin ! Juste quelques uns. Ou même peut-être un peu plus, mais qui s'en soucie de toute façon ?

[Mon p'tit chat]: Si, horriblement. Tu me manques trop princesse !

Je serre les dents pour ne pas exploser de rire. Il a au moins le mérite de chasser mon humeur maussade, un bon point pour lui !

Pas toi.

Je devine sa réponse avant même qu'il l'ait envoyée.

[Mon p'tit chat]: Argh, tu me brises le cœur !

- Qu'est-ce que tu fais ?

Je sursaute violemment et laisse échapper mon téléphone. Matthieu m'adresse un sourire taquin tandis que je le fusille du regard. J'ai horreur qu'il fasse ça !

- Je discutais, c'est tout.

- Une discussion qui avait l'air très amusante... Je peux voir ?

- Non mais oh, c'est privé !

- Parce que tu te gênes pour fouiller dans mon tél peut-être ?

Argh, il m'a eue. C'est juste une mauvaise habitude d'abord ! Une mauvaise habitude qui ressort quand je m'ennuie. Je fouille dans son téléphone et lui change ses musiques, ce qui a le don de l'énerver. Et de m'amuser énormément.

- Espèce de rabat-joie, je marmonne entre mes dents.

- Qu'est-ce que tu as dit ?

- Rien rien !