Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmes

Hannah - mercredi 30 octobre

Je flâne dans les rayonnages, me perdant dans l'immensité des rayons de cette magnifique librairie. Des étagères en bois qui dégage une bonne odeur de pin, des livres parfaitement agencés et un personnel accueillant. Que demander de plus ?

J'attrape un ouvrage et m'y plonge en quelques instants. C'est fou comme les mots m'emportent vite loin de tout, du monde extérieur et même de moi-même. Oui, les livres ont cet étrange pouvoir qui est de m'éloigner de moi-même, de mettre mes sentiments à distance pour un temps, celui de la lecture.

Je relève brièvement la tête pour vérifier que Katlyn est toujours là, fronce les sourcils. Je croyais qu'elle avait peur des autres, mais il faut croire que les librairies sont des espaces protégés... Inquiète, je repose mon bouquin et pars à sa recherche. Et si elle se faisait agresser comme l'autre fois ?

Bon, c'est peu probable dans un magasin. Mais quand même !

Je finis par la retrouver au rayon poésie, plongée dans un recueil dont je ne distingue rien d'autre que le texte. Son agencement me semble familier, mais je n'y prête pas attention, soulagée de l'avoir retrouvée sans peine.

Depuis lundi, elle nous laisse l'approcher plus facilement, et s'est même installée à côté de moi pour certains cours. Elle ne parle jamais à Matthieu ni ne s'assoit avec lui, mais elle paraît de plus en plus à l'aise avec moi. A-t-elle senti que j'ai souffert, tout comme j'ai senti sa douleur ? Peut-être.

Je jette un rapide coup d'œil à ma montre et sursaute. Il va falloir qu'on se dépêche si on veut arriver à l'heure pour travailler avec Maya !

L'idée vient d'elle. Vu que j'ai parlé de Katlyn, elle a voulu la rencontrer et, après avoir demandé son avis à la personne concernée, nous avons organisé cette séance de « travail » qui, en réalité, servira plus à leur permettre de faire connaissance. Katlyn m'a quand même demandé si elle pourrait partir si jamais elle se sentait mal à l'aise, ce que je lui ai promis.

- Katlyn, je l'appelle en chuchotant, il faut y aller !

Elle relève les yeux et m'adresse un léger sourire.

- Je suis désolée, fait-elle de sa voix toute douce, je n'ai pas vu le temps passer.

- Ce recueil est si bien que ça ?

Ses yeux s'éclairent, s'illuminent de l'intérieur.

- Il est excellent ! Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu quelque chose d'aussi bon.

- Je peux voir ?

Elle acquiesce et me tend le livre, que je reconnais à la seconde où je le vois enfin en entier.

Tout s'arrête autour de moi. Sur la couverture, une immense pleine lune bleue, dans laquelle on aperçoit la silhouette d'une jeune fille roulée en boule. Le titre, calligraphié d'un bleu profond, indique Les blessures de la lune. Un recueil dont je connais le moindre mot, la moindre strophe, la moindre rime.

- Tu vas l'acheter ? je lui demande en espérant que ma voix ne tremble pas trop.

Elle secoue la tête, un air attristé sur le visage.

- Je n'ai pas assez d'argent pour en dépenser dans les livres.

Je prends ma décision sans même avoir hésité une seconde. Je peux bien faire ça, lui offrir ça.

- On passe à la caisse ?

Elle ouvre de grands yeux et me dévisage avec incompréhension.

- Mais je t'ai dit que je ne pouvais pas l'acheter ! souffle-t-elle à voix basse.