Je marche en grommelant. Ok, j'ai perdu à pierre-feuille-ciseau. Mais pourquoi m'envoyer seule dans le nuit sombre et glaciale pour nous acheter ce que mon stupide colocataire a oublié quand il a fait les courses ce week-end ? Ça devrait être lui, pas moi !
Enfin, je râle, je râle, mais je suis bien contente d'être un peu seule. Depuis hier, ils m'entourent tous les deux d'un regard inquiet qui a tendance à me taper sur les nerfs. Oui, la chanson de Darknight m'a secouée, mais est-ce une raison pour en faire tout un plat ? Ce n'est pas la première fois et certainement pas la dernière.
Cette fameuse chanson envahit d'ailleurs mes écouteurs. Je l'écoute en boucle depuis qu'elle est sortie, tentant dans un premier temps de la décrypter, puis dans un second de juste l'apprécier. C'est un style nouveau mais qui sonne encore plus vrai que l'ancien. Et j'adore ça.
Les rues sont vides. En même temps, il est tard et il fait froid, qui voudrait sortir ? Même emmitouflée dans mon manteau et l'écharpe remontée sur le nez, je sens ce froid piquant qui me glace la peau. J'ai beau avoir mis un gros sweat et des grosses chaussettes par-dessus mes collants, le froid se faufile entre les mailles de mes habits pour me saisir.
Entrer dans l'épicerie me fait un bien fou. Ici, l'air est chaud et agréable. Je soupire de soulagement et traîne autant que je peux dans les rayons. Il fait tellement froid que personne n'est dehors, et donc personne dans le magasin non plus, si ce n'est la vendeur qui promène sur son magasin un regard endormi. Sans doute fermera-t-il aussitôt que je serai partie.
Je règle, attrape mon sac et remonte mon écharpe sur le nez. Mais bon dieu d'bon dieu, on se caille vraiment ! C'est pas possible qu'un mois d'octobre soit aussi froid. On doit être retournés à l'époque glaciaire, ça doit être ça. Je ne vois pas d'autre raison.
Je marche rapidement, les écouteurs dans ma poche cette fois. Je profite du silence de la ville, celui dont on ne peut presque jamais profiter. C'est paisible, tranquille, calme. Ça m'apaise comme mille mots de réconfort ne pourraient m'apaiser. J'ai beau adorer Liam et Maya, ils ont beau me soutenir comme personne, il y a certaines choses contre lesquelles ils ne peuvent rien. C'est comme ça, c'est tout.
Un cri perçant brise cette tranquillité. Je fronce les sourcils et me retourne. Ça, c'était un cri de femme. Empli de terreur.
Un autre cri se superpose à celui-ci, un cri que j'ai entendu l'année dernière mais pour lequel je ne me suis pas arrêtée. Enfermée dans ma rage, j'ai continué mon chemin. Plus tard, j'ai appris par Liam ce qu'il avait failli se passer. Je m'en suis voulue de ne pas m'être arrêtée, de ne pas m'en être souciée.
Alors cette fois je fais demi-tour et cours vers ce cri maintenant muet mais qui se prolonge dans ma tête. Je cours de plus en plus vite en fouillant les rues adjacentes du regard, cherchant frénétiquement d'où il provient.
Puis je vois le groupe. Une quinzaine d'hommes, certains baraqués, d'autres de jeunes adolescents. Et j'aperçois, au milieu de leur cercle, des mèches d'un roux cuivré. Coiffées. En queue de cheval.
C'est là, c'est elle. Elle qui a crié. Je m'élance.
Et suis brusquement tirée en arrière.
Je me retourne, prête à foutre un bon coup de poing à la personne qui m'a retenue.
Me fige.
- Ewan ?!
- Salut libellule, me sourit-il. Je m'en occupe, reste ici.
Il me lâche et s'avance vers le groupe, lentement, comme un serpent s'apprêtant à mordre. Un serpent froid, cynique, mais puissant. Pas un serpent d'ailleurs, un loup. Un loup solitaire.
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Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmes
Novela JuvenilÉmile est étudiant en musicologie le jour, chanteur mondialement connu le reste du temps. Sa carrière est florissante, et il a une magnifique petite-amie, Millie, qui est mannequin. Pourtant, il n'est pas entièrement heureux. A chaque concert, ses y...