Émile - dimanche 27 octobre

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Nous discutons amoureusement, échangeons de longs regard chargés d'émotion et ne cessons de sourire. C'est comme si nous étions dans notre propre monde, celui de l'amour, le pur, le vrai. Nous nous aimons tant que nous ne remarquons même pas le présence des autres, ni les milliers de photos qu'ils prennent tous.

Ça, c'est ce qu'ils croient tous. En vérité, nous jouons un rôle, l'un comme l'autre. Moi parce que j'aime quelqu'un d'autre, Millie parce qu'elle ne m'aime pas. Et peut-être aussi qu'elle est amoureuse de quelqu'un d'autre, comment pourrais-je le savoir ?

Bref, toujours est-il que nous sommes de sacrés acteurs. Après tout, cela fait quand même un an que nous les grugeons tous sans que personne ne soupçonne quoi que ce soit. Et pendant cette année, j'ai encore plus gagné en popularité, de même que Millie dont la carrière a fait un énorme bon en avant dans le mannequinat.

Un an, c'est le temps que notre contrat a tenu pour l'instant, mais aussi le moment où nous nous sommes rencontrés. Pire rencontre de ma vie, sans doute pire rencontre de la sienne aussi.

Heureusement que nous nous entendons quand même un minimum. Sans aller jusqu'à de l'amitié, on se soutient quand on n'a pas le choix. C'est pour cela qu'elle est là après chaque concert, et que je vais toujours la chercher quand elle revient de chez ses parents. On connaît chacun les pires faiblesses de l'autre, mais plutôt que de les utiliser pour nous détruire mutuellement, on se soutient. Ce sont les termes du contrat, une solution comme une autre.

- ... te montrerai les photos de mon dernier shooting photo, si tu veux.

Je reporte mon attention sur Millie et lui sourit tendrement. Elle est meilleure que moi à ce jeu-là, je ne peux pas le nier. Mais ses yeux gris sortent du jeu en lançant des éclairs que je distingue aisément. Puis soudain, je tilte.

Quand on s'est mis ensemble, on a établi un certain nombre de règles. Soutenir l'autre en fait partie, tout comme jouer parfaitement le jeu quand on est en extérieur. Mais la plus importante est sans doute celle-ci, pour notre santé mentale à tous les deux : quand l'autre se met à parler de son travail, c'est le signe qu'il commence à saturer et qu'il faut aller dans un endroit plus intime.

Bien sûr, les journalistes l'ont assez vite compris, mais ils s'imaginent plus que nous allons faire des choses coquines plutôt que la vérité. Ça nous arrange qu'ils ne fouillent pas plus loin, alors on ne s'en plaint pas. Même on s'en réjouit, tant qu'ils ne diffusent pas de rumeurs comme quoi nous ne sommes ensemble que pour le sexe.

- Tu les as sur toi ?

- Mince non, je les ai laissé dans la voiture...

- Allons-y alors !

Nous échangeons un regard souriant puis nous levons. C'est moi qui règle la note, tout en sachant parfaitement que Millie me remboursera immédiatement après. Elle refuse d'avoir une quelconque dette envers moi, ce que je comprends tout à fait.

Millie accrochée à mon bras, nous sortons du café réputé que mon manager nous avait recommandé et montons dans la limousine qui nous attend à la sortie, limousine aux vitres teintées et possédant une vitre de séparation entre le chauffeur et nous. C'est celle de Millie, puisque je n'utilise que les transports en commun. Depuis qu'elle est devenue l'effigie d'une marque réputée elle ne se prive plus de rien, tandis que je me contente d'une vie modeste.

A peine sommes-nous assis qu'elle ordonne au chauffeur de nous amener vers chez elle, puis monte la vitre de séparation. Dès que nous avons la certitude de n'être vraiment que tous les deux, nous poussons un soupir de soulagement et échangeons un regard fatigué.

- C'était épuisant, fait-elle en s'appuyant confortablement sur la banquette molletonnée.

- Je ne te le fais pas dire... je lui réponds en prenant, moi aussi, mes aises.

Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant