Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmes

Émile - dimanche 17 novembre (1)

J'inspire un grand coup. Allez, je peux le faire. Je ne suis pas seul, Hannah est là pour me soutenir, tout va bien se passer. Tout ira bien. Je me le répète comme un mantra. Parce que ça doit bien se passer, parce que je ne sais pas ce que je ferai sinon.

Une fois l'euphorie de la victoire d'Ewan et de Joshua redescendue, Hannah m'a demandé comment j'allais continuer à payer mon appartement et mes dépenses quotidiennes sans salaire. Je lui ai répondu qu'avec tout ce que j'avais gagné, j'avais de quoi vivre pendant encore au moins quelques années. Mais devant son air indécis, j'ai compris que ce n'était pas le vrai sens de sa question.

« En vrai je m'en doutais un peu, m'a-t-elle alors avoué, je me demandais surtout ce que tu comptais faire vis-à-vis de tes parents. Tu comptes les laisser découvrir via la télé que tu arrêtes d'être chanteur ? »

J'ai essayé de me défiler, de lui dire que j'avais déjà prévenu mon père par texto et qu'on devait s'appeler pour en discuter plus longuement... Elle n'a rien lâché.

« Émile ! m'a-t-elle réprimandé. Si tu ne fais pas le premier pas, rien ne bougera ! »

Cette Hannah alors... elle me connaît trop bien. Elle me lit trop bien. Elle a parfaitement deviné que j'avais envie d'en profiter pour renouer avec ma mère, mais que j'avais trop peur de me lancer. Et plutôt que de me laisser me défiler, elle a pris le taureau par les cornes.

« On y va ce week-end, et je t'accompagne. »

Avant que j'ai pu faire quoi que ce soit, elle avait déjà réservé mon billet. Et a refusé de me dire le prix qu'elle a payé. Sous prétexte que j'avais payé le repas de tout le monde à l'hôpital, elle a tenu à m'offrir ça.

Et nous y voici. Figés sur le perron de sa maison, devant sa porte, au milieu de son petit jardin. Peut-être le sait-elle déjà, peut-être l'a-t-elle entendu à la radio. Dans ce cas, comment justifier ma venue ? C'était sans doute une mauvaise idée. Il vaudrait mieux faire demi-tour et tout oublier.

- Hannah, je crois que...

- Oui ? me répond-elle innocemment en appuyant sur la sonnette.

- Hannah ! je proteste en retirant vivement sa main, trop tard.

- Tu allais rester immobile pendant trois quarts d'heure sinon, m'accuse-t-elle en fronçant les sourcils.

- Non, j'allais plutôt te proposer de faire demi-tour... j'avoue dans un murmure.

- Tu vois ? Encore pire ! Au moins, là tu ne peux plus faire demi-tour.

Je grimace, elle me tire la langue. Deux vrais gamins, vraiment. Je la déteste de me mettre au pied du mur comme ça... tout comme je l'adore de me pousser à faire ce que je n'ose pas essayer. Maintenant, il n'y a plus qu'à attendre que ce fichu battant s'ouvre...

Bruits de pas, poignée qui tourne. Je serre la main d'Hannah. Fort. Très fort. Je sens même ses os s'entrechoquer. Mais je suis bien trop tendu pour y faire attention. Que va dire ma mère en me voyant ? Va-t-elle me demander de partir, comme la dernière fois que j'ai essayé de lui parler ? Ou bien va-t-elle me laisser m'expliquer ?

La porte s'ouvre.

Ma mère n'a pas changé. Elle est toujours aussi petite. Ses yeux marron clair me fixent toujours avec la même vivacité. Mais ses cheveux sont grisonnants maintenant. Et elle a des rides. En fait, si, elle a changé. Elle a vieilli.

- Émile, fait-elle, surprise. Si je m'attendais à ça... avec Annabelle en plus ?

Tétanisé, je n'arrives pas à ouvrir la bouche. Que dois-je lui dire ? La saluer ? Lui présenter Hannah comme ma petite-amie ? Lui avouer de but à blanc que je ne suis plus chanteur ?