Émile - mardi 12 novembre

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C'était la première fois que je n'ai pas parlé anglais pour me cacher ou mentir. Le premier mot anglais vraiment sincère, et il était pour elle, destiné à ses oreilles. Forever. Un bien joli mot, rempli de promesses, un mot qui donne des papillons dans le ventre et de l'espoir au cœur.

C'est quand je l'ai vue rougir que je me suis rendu compte de ce que je venais de dire. Embarrassés tous les deux, on a bu nos boissons plus si chaudes avant que je la raccompagne chez elle, en silence. Je pense que nous avions tous les deux besoins d'assimiler ce qu'il venait de ce passer.

Moi qui croyais qu'elle se sentait mal car incapable de parler de ses parents de façon aussi impassible que madame Salaun, elle se torturait en réalité l'esprit avec des choses encore plus complexe. Ce qui m'a surpris, c'est qu'elle ne sache pas quoi faire plus tard. Pour moi, sa voie est toute tracée, claire comme de l'eau de roche. Peut-être ne le voit-elle pas encore, mais je pense qu'elle est faite pour ça.

- Hé oh, tu rêvasses ? Je croyais que tu devais bosser !

Je fais une grimace à Erwan, puis me replonge dans mes cours. Je suis toujours en plein rattrapage, mais la discussion que j'ai eu avec Hannah n'a fait que renforcer mon envie de devenir professeur de musique. Chant, guitare, piano, je ne sais pas encore exactement ce que j'aimerais enseigner, mais je veux partager cette passion, comme je le lui ai expliqué hier. Et pour ça, il faut que je réussisse la fac.

- D'ailleurs mec, comment ça se passe avec Hannah ? me demande-t-il en s'installant en face de moi.

Lorsque nous sommes venus manger dimanche, je lui ai glissé que nous nous parlions à nouveau, et que nous nous étions rapprochés. Rien n'a changé, si ce n'est mon envie de plus en plus forte de lui avouer mon amour. Mais je ne peux pas me le permettre maintenant, sa vie est suffisamment chaotique comme ça en ce moment.

- Bien, et toi avec Cécilia ?

- Calme mec, je l'aurai à l'usure !

- Ne traîne pas trop, ou on va te la voler un jour...

- Ne parle pas de malheur et retourne travailler va.

- C'est toi qui me distrais ! Tu n'as aucun client à aller servir ?

Il jette un coup d'œil circulaire à la ronde, à la recherche du moindre client. Mais rien n'a changé, nous sommes toujours un mardi en pleine journée, et les étudiants ne viennent pas à ces heures-là. Je suis donc presque le seul à me régaler d'un bon café noir et de la conversation légère d'Erwan.

Soudain, alors que je me replonge dans mon travail, mon téléphone sonne. Sans décoller les yeux de l'écran, je décroche, pressé d'en finir.

- C'est Isidore, m'annonce immédiatement la voix, sans même me saluer.

- Isis ?! je m'exclame, étonné. On est pas censés avoir rendez-vous dans deux jours ?

- Si, mais on va devoir l'avancer. Ce soir, 18h, à l'adresse que je t'enverrai. Madame Schäfer prévient Sohalia Kakomatheménè de son côté.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

Ça ne lui ressemble pas de ne pas suivre le calendrier qu'il a lui-même défini. Et un rendez-vous avec Hannah et son éditrice en plus ? Qu'est-ce qu'elles viennent faire là-dedans ?

- Je te dirai ce soir, sois à l'heure !

Et il raccroche. Éberlué, je fixe l'écran noir de mon portable sans comprendre. Qu'a-t-il bien pu se passer pour qu'Isidore Amasis, le dieu suprême de l'organisation, précipite les choses ? Et surtout... pourquoi impliquer Hannah ?

Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant