Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmes

Hannah - lundi 11 novembre

Je n'en crois pas mes yeux, la mère d'Ewan est juste devant moi ! Elle regarde le clan des Thuyas détaler, les bras croisés sur sa poitrine opulente. Ce sont ses yeux qui m'ont mise sur la voie : exactement la même couleur, et exactement la même forme que ceux d'Ewan. En plus de ça, il se dégage d'eux la même impression de calme dangereux, de celui qu'on ne veut surtout pas déranger.

Une fois que tous les autres ont disparu, elle se tourne vers nous et nous dévisage. Son regard me transperce de toutes parts avant de passer à Émile. Imperturbable, celui-ci m'aide à me relever sans en tenir compte. Soudain, le regard de madame Salaun se fixe sur son oreille. Sur l'Amaryllis.

Après la visite à l'hôpital, Émile m'a confié qu'il allait transformer le porte-clé en boucle d'oreille, pour être sûr de l'avoir constamment sur lui. Je ne l'ai qu'aperçue tout à l'heure, mais maintenant je la vois. Bien qu'il ait ses cheveux lâchés, elle est aisément visible, ce qui renforce mes interrogations : pourquoi le clan nous a-t-il attaqué en sachant que l'Amaryllis nous protégeait ?

- Toi, lance froidement la cheffe de clan à Émile. Comment as-tu eu ça ?

Sans me lâcher, il passe son bras autour de ma taille pour me soutenir. Comment a-t-il deviné que je ne tenais presque plus debout ? Il a dû le sentir en me relevant, il n'y a pas d'autre solution. Quand arrêtera-t-il de me surprendre ?

- C'est vous qui me l'avez donné, réplique-t-il avec un calme qui me sidère. Il y a douze ans, vous m'avez sauvé d'un gang et donné cette emblème pour que je sois protégé.

Madame Salaun fronce les sourcils, fouillant dans sa mémoire. Puis elle dirige ses yeux noirs dans ceux d'Émile, et son visage se détend. Elle hoche la tête, approbatrice.

- Effectivement, je me souviens. Le petit perroquet, c'est cela ?

Je vois le rouge monter aux joues d'Émile, qui se contente d'acquiescer. Quelle est donc cette histoire de perroquet ? Il ne m'en a jamais parlé. Un surnom d'enfance peut-être ? Comme la petite fée avec Adam ?

- Je suis contente de voir que tu le portes toujours, même si tu en as changé la forme. Qu'est-ce que tu fais ici ?

- J'habite ici, je suis étudiant.

- Je vois. Et toi ? demande-t-elle soudain en se tournant vers moi. Qui es-tu ?

- Un membre de la Meute.

- Si tu es vraiment un membre de la Meute, alors ce clan a du soucis à se faire. Tu as quoi, dix-sept, dix-huit ans ? Et tu te bats comme ça ? J'ose espérer que le niveau y est plus haut.

Je pince les lèvres, vexée. Pourtant, je ne peux pas la contredire. Il est vrai que je ne fais pas partie de la Meute, mais j'ai répondu ça par réflexe. Parce que même si ce n'est pas officiel, je veux en faire partie pour me rapprocher d'Ewan et de son rêve de pacifier les Quartiers. Mais son commentaire me montre clairement que mon niveau n'est pas suffisant. C'est blessant, mais vrai.

- Il est vrai que je n'en fais pas partie, je rétorque le plus calmement possible, mais j'en connais bien le chef.

- Gueule de Loup ? D'ailleurs, qu'est-ce que tu entendais exactement par « aussi sombre que moi » ?

- Je parlais de vos yeux. Mais ne faites pas comme si vous n'aviez pas compris, je continue en la fixant. Ne serait-ce qu'avec mon allusion à la Bretagne, vous aviez tout saisi.

Elle reste impassible un moment, puis soupire. L'espace d'un instant, son masque impassible tombe et je découvre une femme fatiguée et soucieuse, puis elle le renfile.

- Effectivement, j'avais compris, admet-elle avec un sourire moqueur. Mais tant que ce fameux chef ne m'aura pas trouvée, je ne ferai rien.

- Il ne veut qu'améliorer la situation là-haut ! je m'écrie aussitôt, la rage au ventre. Vous ne vous rendez pas compte de la misère qui y règne !