Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmes

Émile - mardi 5 novembre (2)

Je me lève brusquement, blême. Non. Non, non, non. Pas ça. Surtout pas. A aucun prix. Pitié, non. Elle ne peut pas m'avoir reconnu. C'est impossible.

Mes mains tremblent. La sueur coule le long de mon dos. Mes yeux sont écarquillés. Je respire rapidement. Tout mon corps est tendu.

Que faire ? Que faire ? Elle va aller le dire à tout le monde, tout est fichu ! Elle a vu mon vrai visage, elle m'a vu et reconnu, ça veut dire que d'autres vont me reconnaître et que je dois dire adieu à ma vie tranquille, mais alors ils vont tout découvrir sur ma famille et peut-être même sur Millie et notre contrat, et alors les médias vont se déchaîner et je vais devenir une bête de foire et je serai discrédité et mes parents seront pointés du doigt et...

Je n'arrive plus à penser correctement. Mon cerveau court-circuite, grille, est hors d'état de marche. Comment faire ? Comment faire ?

- Émile ! Bordel de merde, reviens à toi !

Dans un sursaut de volonté, je cligne des yeux et me force à regarder autour de moi. Erwan me tient par les épaules, l'air inquiet. L'homme à la cicatrice – Ewan je crois ? – est à moitié levé, et Maya me fixe toujours avec stupeur.

Lentement, je parviens à reprendre mon souffle, mais le mal est fait. Avec ma réaction, je lui ai donné la confirmation qu'elle a vu juste. C'est fichu. Deux ans d'anonymat réduits en cendres par une fille que je ne connais même pas.

- Hé, ça va ? me demande mon ami en me pressant les épaules.

- Oui, désolé, je me force à lui répondre avec un petit sourire.

- Tu es sûr, hein ?

- Oui oui, ne t'inquiète pas.

Il me fixe un moment, puis me lâche pour partir en direction de son comptoir.

- Je t'amène un café ! me lance-t-il sans se retourner.

Même s'il ne peut me voir, je lui lance un regard reconnaissant. Je vais bien en avoir besoin pour faire face à ces deux-là.

Je me rassieds sur ma chaise en essayant de me détendre sans trop de succès. Maya m'imite, l'expression de surprise imprimée sur ses traits. Gêné, je détourne la tête. Elle est à la première à m'avoir reconnu sans indices, et le fait qu'elle soit proche d'Hannah n'arrange rien. Que va-t-elle aller lui raconter après ?

- Pardon, mais je n'en reviens toujours pas, bredouille-t-elle en plongeant son visage dans ses mains. J'ai tellement entendu parler de vous que vous avoir en face de moi est assez... extraordinaire.

- Comment ça, tu le connais ? s'étonne l'homme à la cicatrice.

Elle hoche la tête, le visage toujours caché dans ses mains. L'homme me jette un regard interrogatif auquel je réponds par un haussement d'épaules. Il ne semble pas connaître ma facette chanteur, et ce n'est pas moi qui vais le renseigner. Une personne qui sait, c'est déjà une personne de trop.

- Ton café, me fait Erwan en déposant la tasse devant moi. Vous voulez quelque chose ? demande-t-il aux deux autres.

- Un café serait une bonne idée, en effet.

- Très noir et très serré pour moi, s'il te plaît Erwan, murmure Maya sans se redresser.

Il hoche la tête et repart sans plus poser de questions. Je n'y échapperai pas plus tard, mais pour l'instant il me laisse gérer ça.

- Bon... je dis en saisissant ma tasse de café. Par quoi on commence ?

- Maya ?

Elle se frotte les joues, puis plante brusquement ses pupilles dans les miennes.