Émile - dimanche 17 novembre (3)

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Lorsque nous retournons au salon, Hannah est toujours assise dans le canapé, le dos bien droit, mais la tête légèrement penchée en avant. Sa tresse posée sur l'épaule me libère la vue de sa nuque si blanche. Je n'aperçois qu'une petite partie de son visage, mais j'en profite pour admirer son air concentré. Elle est si belle...

- Excuse-nous pour l'attente, fait ma mère en retournant s'asseoir dans son fauteuil, faisant sursauter ma petite-amie.

- Ce n'est pas un problème, lui assure-t-elle en rougissant légèrement, ses mains occupées à ranger le livre qu'elle lisait dans son sac. Tout va bien ?

- A toi de voir, je lui glisse avec un sourire en coin en m'installant à côté d'elle.

- Donc j'ai bien fait de te pousser à venir ici, constate-t-elle, heureuse.

- Oui oui, tu as eu raison, je fais semblant de soupirer.

- Ah, au moins tu le reconnais !

- Ça me rassurer de voir que mon grand est entre de bonnes mains, sourit ma mère en se relevant. Vous voulez rester manger ? Il est presque midi.

- Ça se rélf... je commence avant de me prendre un coup de coude dans les côtes. Je veux dire, oui bien sûr.

Ma mère acquiesce, puis disparaît dans sa cuisine. J'en profite pour me pencher vers Hannah avec une moue fâchée.

- Pourquoi tu m'as frappé ? je lui chuchote furieusement. J'allais accepter !

- Ça partait plutôt mal... me fait-elle remarquer sur le même ton. Et puis, il y avait tant d'espoir dans ses yeux que je n'ai pas pu m'en empêcher. Ça fait combien de temps que vous ne vous étiez pas vus ?

- Au moins un an je dirais ? C'est au moment où j'ai commencé à sortir avec Millie.

Contrairement à ce que je pensais, elle ne répond rien et baisse les yeux. L'espace d'un instant, j'aperçois ses mains trembler. Puis elle les serre fort l'une dans l'autre et porte son regard sur la porte de la cuisine, à l'opposé de moi.

- Hannah ? je l'appelle doucement.

- Ce n'est rien Émile, répond-elle d'une voix tremblante.

- Ne me mens pas...

Elle se détourne encore plus, mais j'ai le temps de voir une larme couler sur sa joue. Aussitôt, je la saisis par les épaules et la force à pivoter vers moi. Ses yeux sont rougis de larmes, sa lèvre tremble. Non, ce n'est pas « rien ».

- Hannah, je répète tendrement, qu'est-ce qu'il y a ?

Elle ouvre la bouche, croise mon regard, baisse la tête.

- Rien, je t'assure... je suis heureuse que tu te sois réconcilié avec ta mère.

Et là je comprends. Ma mère. A quel point suis-je cruel d'imposer mes problèmes parentaux à ma petite-amie qui est orpheline ? Et dire que je n'y ai jamais songé, pas un seul instant...

- Je suis désolé de t'imposer ça... je murmure, coupable.

- Non, ne t'excuse pas ! s'exclame-t-elle à voix basse, se redressant vivement. Je suis vraiment heureuse que tout se soit arrangé, et je t'ai accompagné volontairement. Je savais que ça risquait d'arriver.

- C'est ce dont tu me parlais ? Les souvenirs qui remontent d'un coup, sans qu'on ne puisse le prévoir ?

- Un peu, oui... admet-elle. Sauf que là, je me doutais que ça allait arriver. J'avais fait exprès de tout tenir sous verrou... mais il a suffit d'une pensée pour que les chaînes sautent.

Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant