Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmes

Hannah - jeudi 7 novembre

Liam et Maya sont ensembles. En couple. Ils se sont avoués leur amour hier, au restaurant au-dessus du café. J'ai eu droit à un compte-rendu détaillé des deux côtés, plus un bonus des deux en même temps. C'est comme s'ils s'étaient mis à briller, répandant leur lumière autour d'eux.

Et pourtant, rien n'a changé. Ils se parlent de la même manière, agissent de la même manière. Enfin, sauf si on rajoute les petits surnoms et les petits gestes d'amoureux qui ne m'ont pas échappés. Je suis heureuse pour eux, depuis le temps que j'espérais ça !

Et ma peur de me retrouver seule et abandonnée d'eux deux s'est révélée totalement fausse. C'est subtil pour qui n'y fait pas attention, mais je l'ai senti. Ils ne faisaient pas comme s'il n'y avait que leur amour, ils m'ont laissé la place que j'ai toujours eu avec eux.

Au moins, ça c'est réglé. Ils vont filer le parfait amour et je pourrai me concentrer sur la façon de m'éloigner d'Émile. Parce que je n'ai pas abandonné, ça non. Je le ferai fuir s'il le faut, mais il ne restera pas près de moi. J'ai beau rêver qu'on vive la même chose que Liam et Maya, je ne suis pas bonne pour lui.

Il faut qu'il le comprenne et qu'il trouve quelqu'un d'autre qui lui corresponde. Je le ferai trop souffrir. Je le sais. Je suis instable et plusieurs traumatismes me collent à la peau. A tout moment, je peux faire une crise d'angoisse, de panique, ou bien frapper quelqu'un. Tout dépend de ce qui remonte.

Je ne peux pas prendre le risque de lui faire subir ça. Je ne veux même pas qu'il soit au courant. Parce que je ne pourrai pas supporter qu'il me regarde avec peur et dégoût. Paradoxal, n'est-ce pas ? Je veux l'éloigner de moi mais ne supporterais pas qu'il me rejette.

Enfin, là je n'ai pas le choix. On a une séance d'écriture ce soir, avec monsieur Amasis et Hilda. Ils n'assisteront qu'à la première, juste pour voir comment ça va se passer. Et malheureusement, je le sais déjà : mal.

Écrire est un acte intime. Quand bien même Émile accepterait d'écrire devant moi, il ne le ferait jamais devant deux autres personnes, surtout sachant que l'une d'entre elles est une inconnue. Alors il va se braquer, ou écrire n'importe quoi. Voire même me demander de faire ce que je lui demande pour lui montrer l'exemple. Spécialiste de la contre-attaque, n'est-ce pas ?

Je serre l'élastique de ma queue de cheval. Pour Hilda, je dois faire en sorte que tout se passe bien. Parce que je l'aime bien mon éditrice, moi. Et aussi parce qu'elle a toujours toléré tous mes caprices, en passant par le masque et mon anonymat. Elle est même allée plus loin en m'apportant une paille à chaque fois qu'elle me ramenait du thé.

Je vérifie une dernière fois dans le miroir que tout est ok, puis attrape mon sac et ferme l'appartement à clé. Liam et Maya sont en cours, Maya finit tard et comme tous les jeudis, Liam va la raccompagner, et donc rentrer aussi tard qu'elle. Bref, ils ne sont pas là avant plusieurs heures.

Écouteurs dans les oreilles, je descends prendre le métro. Solitude bénie ! J'ai beau les adorer, j'ai besoin de mes moments seule, sinon je risque de péter un plomb un jour. Ils le savent et le respectent, sans doute une autre raison parmi tant d'autres que ce sont mes meilleurs amis. Ils respectent mes besoins, sont là quand j'ai besoin de parler, savent me laisser de l'espace mais s'inquiètent quand même pour moi...

Mes meilleurs amis. Désormais en couple. Sauf que je sais très bien que si je commence à prendre mes distances pour les laisser entre eux, ils m'en voudront et chercheront à revenir comme avant, quitte à laisser tomber leur couple. C'est rassurant et effrayant à la fois.

Je sors une station trop tôt. De toute façon, je suis en avance, et marcher ne peut me faire que du bien. Surtout qu'il y a une librairie sur le trajet. Me poser au milieu des livres me calmera, j'en suis sûre. Ils m'ont toujours calmée, dans la mesure du possible. Apaisée.