Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmes

Émile - samedi 9 novembre

Hannah s'élance. Magnifique explosion de puissance contrôlée, tout en étant d'une grâce somptueuse. Elle s'élance vers l'affreux bonhomme responsable de la situation tout en se maîtrisant, alors même que je la devine bouillonnante de rage.

Je profite de sa distraction pour attraper rapidement mon téléphone et appeler la police. Quelques mots pour décrire la situation et donner l'adresse, et ils m'assurent qu'ils arrivent le plus rapidement possible, avec une ambulance pour le blessé.

Je raccroche et reporte mon attention sur Hannah. Mon appel a beau avoir été rapide, elle l'a déjà neutralisé. D'une clé de bras, elle le maintient au sol et lui murmure je ne sais quoi à l'oreille. Vu le visage blanc de peur qu'affiche désormais cette ordure, ça ne doit pas être de paroles d'excuses pour lui avoir fait mal.

Aucun danger de ce côté-là donc. Je me dirige donc plutôt vers le garçon inconscient, après avoir remarqué du coin de l'œil que ceux qui semblent être frère et sœur vont bien et se soutiennent l'un l'autre. Je m'accroupis à côté de la fille rousse, Evelyn, et examine les dégâts sans toucher le corps.

Il y a du sang, mais il respire, et de façon régulière qui plus est. Je ne sais pas s'il y aura des complications, mais au moins il n'a pas besoin d'un massage cardiaque ou quoi que ce soit. Il n'y a plus qu'à espérer que les secours arrivent vite.

Je m'occupe plutôt d'Evelyn, qui a l'air en état de choc. Je lui parle doucement, essaie de la rassurer, mais sans grand succès. Elle est totalement ailleurs, comme en train de revivre des mauvais souvenirs et son impuissance face à eux. Elle est complètement perdue dans les méandres de sa mémoire, ne distingue plus présent du passé.

Alors je commence à chantonner à son oreille. J'utilise une voix que je n'utilise jamais, celle qui est uniquement pour moi, quand je chante pour me rassurer ou me consoler. C'est ma voix douce, tranquille, calmante, qui me fait du bien. Et c'est la première fois que je l'utilise pour quelqu'un d'autre que moi.

Petit à petit, je la voix revenir, comme accrochée à ma voix pour remonter à la surface. Elle semble grimper le long de la corde de mon chant pour retrouver la lumière et le présent, tout en laissant ses souvenirs derrière elle, dans l'obscurité. Enfin, je la vois revenir du fond de ses prunelles, je vois la vie revenir dans ses iris : elle est de nouveau là, dans le présent, avec nous.

Je m'arrête de chanter et lui caresse doucement le dos pour la réconforter, tout en jetant un coup d'œil circulaire. Hannah est toujours en train de maintenir l'enflure au sol, et les deux blonds discutent à voix basse, dans les bras l'un de l'autre.

Les secours arrivent rapidement et prennent la situation en main. En tant que témoins, Hannah sommes interrogés, tandis que le garçon évanoui est suivi d'Evelyn dans l'ambulance. Quant au frère et la sœur, ils observent de loin leur père être amené par les policiers.

Dans la confusion générale, au beau milieu de la valse d'adultes responsables, j'attrape la main d'Hannah et la serre dans la mienne. Elle ne me jette pas le moindre regard, trop occupée à survoler ses amis d'un air inquiet, mais me la serre en retour.

- Hé, je lui murmure à l'oreille au milieu du brouhaha ambiant, ça va ?

Elle hoche la tête sans me regarder, comme perdue dans ses pensées. Comme si elle réfléchissait à quelque chose de très important. Soudain, elle tourne son visage inquiet vers moi.

- Est-ce que tu penses que je devrais prévenir la mère de Matthieu ?

- Matthieu ?

Elle me désigne l'ambulance d'un signe de la tête. Donc le garçon s'appelle Matthieu.