PARTIE 3: Émile - lundi 11 novembre

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Il fait frai, le ciel est dégagé, le soleil brille timidement. Une légère brise nous fait frissonner, nous recherchons la chaleur de nos manteaux, mais un léger sourire orne nos lèvres.

La main d'Hannah dans la mienne, nous marchons d'un même pas. Nous ne nous sommes pas lâchés depuis que je suis allé la chercher chez elle, tout comme nous n'avons pas aligné une seule phrase. Pas besoin : nos yeux se parlent tout seuls.

Nous marchons, donc. Nous marchons vers l'immeuble de Matthieu, nous marchons vers l'appartement de Katlyn. Hannah m'a avoué hier, à la fin du repas, qu'elle n'avait encore rien dit à son amie quant à l'état de Matthieu. Elle lui a juste envoyé un message pour lui signifier qu'il allait bien. C'est pourquoi nous sommes là, pour lui annoncer cette cécité soudaine. Et accessoirement s'assurer qu'elle tient le coup.

- Tu penses que ça ira ?

Sa main se resserre sur la mienne lorsqu'elle me pose cette question. Elle évite mon regard, préférant fixer l'entrée de l'immeuble. Elle a vraiment peur de la réaction de Katlyn, et pour cause : elle m'a raconté à quel point elle était renfermée jusqu'à il y a peu, et a peur de la voir retourner dans sa carapace.

- Je pense que si une certaine Hannah la réconforte et l'aide à se relever, ça ira.

- Idiot, souffle-t-elle avec un sourire.

- Et fier de l'être. On y va ou on continue de fixer cette fichue porte ?

Cette fois, j'ai droit à un coup de coude dans les côtes. Je fais mine de souffrir affreusement, mais elle m'ignore et m'entraîne derrière elle. D'un pas habitué, elle me fait grimper les étages, jusqu'à ce qu'on se retrouve sur le même palier qu'avant-hier. Si ma mémoire reconstitue immédiatement la scène, l'endroit en lui-même ne porte aucune trace de cet incident, mis à part une tâche de sang sur la marche de l'escalier.

Hannah l'ignore et me tire jusque devant l'appartement de Katlyn. Elle inspire un grand coup, puis toque trois timides coups à la porte. Nous avons fait attention à ne pas venir trop tôt dans la matinée, mais il est quand même possible qu'elle ne soit pas réveillée : après tout, le 11 novembre est un jour férié.

Mais le battant s'ouvre presque aussitôt, laissant apparaître le visage inquiet de Katlyn, la deuxième amie d'Hannah. Maintenant que je l'ai réellement en face de moi, je me rends compte à quel point elle est belle : de grands yeux bleu-vert, des cheveux blonds soyeux et un air si frai, si honnête !

- Hannah ! s'exclame-t-elle en la reconnaissant.

- Katlyn, ça va ?

- On fait aller, répond l'autre en haussant les épaules. Vous voulez entrer ?

- Pourquoi pas ?

Son ton léger ne me trompe pas : Hannah a peur, elle essaie de retarder le moment où elle devra tout dire à son amie. Mais elle donne parfaitement le change, si je ne la connaissais pas si bien j'y croirais.

Je découvre alors l'appartement de Katlyn. Petit, c'est le premier mot qui me vient à l'esprit. Simple, le deuxième. Strict minimum, le troisième. Tout y est petit, au premier prix, et rien d'extravagant n'apparaît. Vu sa relation avec son père, elle a sans doute dû se débrouiller seule pour se dénicher un logement et tous les meubles.

Assis sur le lit une place, son frère nous observe. S'il semblait désemparé avant-hier, aujourd'hui il nous dévisage d'un air menaçant. Sans doute s'en veut-il de ne pas avoir pu aider sa sœur et cherche maintenant à la protéger. Pour avoir côtoyé Adam, je le comprends. Il n'est pas le premier à essayer de se racheter auprès de sa sœur.

- Asseyez-vous, vous voulez un verre d'eau ? nous propose Katlyn.

- Volontiers, merci.

Nous nous installons côte à côte à la petite table. Très vite, elle nous rejoint après avoir déposé des verres devant nous.

Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant