- Qu'est-ce que tu penses d'Élizabeth ?
Surpris, je hausse les sourcils. Elle va vraiment faire comme si de rien n'était ? Comme si rien ne s'était passé tout à l'heure ? Comme si ce que nous avions vécu était sans importance ?
- Tu veux vraiment parler de ça maintenant ?
- Je fais le plus urgent en premier, répond-elle en détournant les yeux. Après, il faudra qu'on discute de notre retour.
- Et on parlera de nous en dernier, c'est ça ?
Elle acquiesce, le regard fuyant. Quoi, elle a peur ?! Peur maintenant alors qu'elle s'est déjà assurée de mes sentiments ? C'est à la fois totalement incompréhensible... et complètement adorable. Quand donc cessera-t-elle d'être aussi mignonne ?
- Pourquoi Élizabeth ? je lui demande d'un ton léger.
Elle revient vers moi avec le visage fendu d'un énorme sourire. Le simple fait que j'accepte de repousser notre conversation semble la ravir... ce qui, d'une certaine manière, confirme l'ampleur de ses sentiments. Enfin, je crois ?
- J'aime bien les sonorités, et je trouve que sa signification est belle.
- Et qu'est-ce qu'il signifie ?
- « Dieu est ma demeure ».
Je lui jette un coup d'œil étonné. Est-elle croyante ? Elle ne m'en a jamais parlé, n'a jamais fait la moindre allusion, n'a jamais rien montré.
- Tu crois en Dieu ?
Elle s'assied sur un des bancs du jardin de l'hôpital et repousse sa tresse dans son dos. Son air songeur m'indique qu'elle réfléchit réellement à la question, elle prend le temps de se sonder elle-même.
- Je ne dirais pas que je crois en Dieu, m'explique-t-elle, plutôt à une sorte d'entité qui aurait créé notre monde. Mais un Dieu tout puissant, qui suit chacun d'entre nous tout au long de notre vie ? Non, ça me paraît un peu trop gros. Toi oui ?
- J'ai fait du catéchisme étant petit, mais je n'ai jamais aimé les messes.
- Je te comprends, j'ai eu à assister à l'une d'elles une fois et je me suis ennuyée à mourir !
Nous échangeons un sourire complice.
- Et sinon, je suis d'accord avec Élizabeth. J'aime bien aussi.
- Parfait, va pour ça ! s'exclame-t-elle en se levant.
Un rayon de soleil transperce les nuages, l'illuminant de sa lumière. Ses cheveux châtains brillent, ses yeux piquetés d'or étincellent. Son poncho bleu ciel la fait resplendir encore plus. En la voyant à cet instant précis, je ne distingue qu'un soleil dans un éblouissant ciel d'été. Elle en a le même éclat, la même lueur. Comment la voir comme une lune quand elle est si nitescente ?
- Pour le retour, reprend-elle sans remarquer que je la dévore du regard, je pensais partir ce soir pour arriver demain matin. Tu en penses quoi ?
- Hmm ? Oui, c'est une bonne idée.
Elle tourne vers moi des yeux inquisiteurs, des sourcils froncés.
- Tu as écouté ce que j'ai dit au moins ? grommelle-t-elle ne faisant la moue.
- Pardon, tu disais ? je réplique, rien que pour l'embêter.
- Émile ! Sois sérieux un moment ! proteste-t-elle en me frappant à l'épaule.
- Mais aïeuh, ça fait mal !
- C'est mérité. Bon, tu m'écoutes maintenant ?
- Chef, oui chef ! je fais en me mettant au garde-à-vous.
- Pff, gamin va... soupire-t-elle. Ça te va si on part ce soir pour arriver demain matin ?
- Ma foi, je pense que oui. Tu as déjà repéré un train ?
- Yep, plus qu'à réserver ! Je m'en occuperai tout à l'heure.
- Tu as intérêt à me dire combien t'a coûté tout ça, je la menace en faisant les gros yeux.
- Oui m'sieur, à vos ordres ! sourit-elle en levant les yeux au ciel.
- Hannah, je t'aime.
Éberluée, c'est le mot. Elle ne s'attendait sans doute pas à ce que je revienne dessus si brusquement, ni que je la prenne par surprise comme ça en lui avouant ce que je ressens de but à blanc. Mais j'ai besoin de cette discussion, j'ai besoin qu'on l'ait sérieusement. C'en est devenu vital, je ne pourrai rien continuer tant qu'on ne l'aura pas eue.
- Je t'aime, mais ces quelques mots ne suffisent pas, je continue en plongeant mes iris noirs dans ses yeux marron-doré. Tu le sais, je te l'ai déjà dit, mais tu es le pilier de ma vie. Sans toi, je ne tiens plus debout, je ne marche plus, je ne vis plus. J'ai besoin de toi, de ta présence, de tes rires, de ta lumière. J'ai besoin de savoir que tu as confiance en moi, que tu ne me cacheras pas tes pleurs, tes angoisses et tes colères. Tu es la moitié de moi-même, une moitié sans laquelle la vie n'a plus aucune saveur. Je ne suis pas parfait, loin de là. J'ai moi aussi des problèmes à gérer, qu'ils soient émotionnels ou relationnels. Mais je veux être là pour toi. Même si tout s'effondre autour de moi, je ne verrai que toi et toi seule. Tout ça parce que...
J'attrape ses mains, les serre doucement. Elle m'écoute, bouche bée, immobile, nimbée de cette lumière solaire. Ça fait ressortir ses quelques taches de rousseur, les paillettes de ses yeux, les reflets dorés de ses cheveux. Elle est belle, magnifique.
- ... parce que tu es au cœur de mon être, le centre de mon âme, le pilier de moi-même.
A ces mots, j'aperçois des larmes naître au coin de ses paupières. Elles roulent sans qu'elle n'essaie de les essuyer, roulent sur ses joues jusqu'à son menton, perlent sur le sol. Mais Hannah n'y prête pas la moindre attention. Elle me regarde, ne regarde que moi. Et, d'un geste tendre, serre délicatement mes mains.
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Hannah, tome 3 ~ Les tourments de nos âmes
Novela JuvenilÉmile est étudiant en musicologie le jour, chanteur mondialement connu le reste du temps. Sa carrière est florissante, et il a une magnifique petite-amie, Millie, qui est mannequin. Pourtant, il n'est pas entièrement heureux. A chaque concert, ses y...