Chapitre 35

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Je me réveille en sursaut en entendant le cri d'Alana. Mes paupières s'ouvrent brusquement et je tourne la tête vers elle. Je mets du temps à remarquer que nous sommes toujours en voiture, ses sourcils sont froncés mais, mis à part ça, elle semble aller bien.

- Qu'est-ce... Pourquoi t'as crié ?

Ma voix rauque trahit le sommeil profond dans lequel j'étais plongé. Ça m'arrive presque jamais de dormir en voiture mais j'étais véritablement épuisé.

Un long soupir témoigne de la frustration d'Alana. Elle paraît d'excellente humeur, visiblement.

- Parce que l'autre con qui roule en BMW vient de me faire une jolie queue de poisson. Mais ce que tu sais pas mon coco, c'est que ça va pas te castrer d'attendre !

Les sourcils haussés, je la regarde accélérer pour doubler la voiture en question. Je soupire en roulant les yeux.

- Tu m'as fait peur. Mais évite de faire la maligne, c'est pas trop le moment qu'on se fasse remarquer tu vois. Et fais attention avec mon bijou.

- Tu veux pas te rendormir ? J'avais la paix.

Abasourdi par son insolence, je fixe son visage de profil. Si belle. Un peu moins lorsqu'elle me fusille du regard. Et celui-ci arrive à m'exciter.

Non mais je ne vais pas bien ? Pourquoi est-ce que mon corps réagit à son regard meurtrier ? On va mettre ça sur le compte du réveil brutal.

Je me retiens de lui faire une remarque sur sa nervosité au volant de MA voiture. Pour me changer l'esprit, je secoue la tête en frottant mes yeux.

- T'es de bonne humeur.

- On arrive à Atlanta, je veux aller chercher ce connard qui peut avoir des réponses sur l'endroit où est Dani, et donc où est Cléa. Le premier qui me barre la route, je lui pète le nez.

Je le prends comme une véritable menace, y compris pour moi-même. Je hoche la tête en apercevant les hauts gratte-ciel de la ville devant nous.

* * *

Les yeux fermés, je prie intérieurement pour ne pas sentir un accrochage sur ma précieuse carrosserie. Alana souffle en me voyant faire et râle, comme elle le fait depuis deux heures.

Oui, deux heures.

Il y avait des bouchons à l'entrée de la ville, ce qui a eu pour résultat d'accentuer la colère d'Alana. Pour le moment, j'ai réussi à ne pas me faire péter le nez.

Mon cœur cesse de battre lorsqu'elle pile brusquement. J'ouvre un grand coup les yeux et regarde autour de moi pour savoir où elle a touché. Mais quand mon regard croise le sien, un petit sourire mesquin apparaît sur ses lèvres. Je vais la prendre dans cette voiture si elle continue.

Je la fusille du regard, mais j'échoue à réprimer un sourire.

- Connasse.

Elle me fait un clin d'œil en positionnant sa main sur la poignée pour sortir.

- Merci, mon coeur.

Ce stupide organe vital réagit au surnom que j'ai pris pour habitude de lui donner. Étrangement, elle détestait ça au début et elle a fini par y a prendre goût. Et moi aussi. L'entendre de sa bouche m'a fait sourire.

Mais elle est déjà sortie de la voiture et je la suis dans le parking souterrain de l'hôtel que j'ai réservé quand on était dans les bouchons. Au départ, ils ont osé me dire qu'il n'y avait plus de chambre. Quand j'ai prononcé le mot "argent", une chambre s'est bizarrement libérée.

Comme par hasard.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent et on entre avant d'appuyer sur le bouton du rez-de-chaussée. Lorsque les portes se ferment, mon instinct prend le dessus sur mon corps. Je me tourne vers Alana et la plaque doucement contre l'une des parois.

Sans prévenir, ma bouche trouve la sienne et je me surprends à être soulagé lorsqu'elle répond au baiser, ses mains enfouies dans mes cheveux. Un long soupir sort de ses lèvres entre deux baisers et elle retient un gémissement quand je lui embrasse le cou.

Mes doigts agrippent ses hanches, me retenant à peine de lui faire l'amour. Faire l'amour ? Depuis quand est-ce que je pense avec ces mots en présence d'Alana ?

Cette femme m'a bouleversée plus que je ne l'aurais cru.

L'ascenseur ralentit et les mains d'Alana me repousse légèrement. Mes yeux plongent dans les siens, humides et suppliants. Je n'arrive pas à savoir si elle me désire ou si elle se retient de pleurer. Ou les deux.

Mon cœur se pince et je m'oblige à reculer au moment où les portes s'ouvrent de nouveau. On sort de l'ascenseur et Alana me prend la main, je retiens un sourire.

Je n'arrive pas vraiment à déchiffrer ses pensées et à savoir ce qu'elle ressent. Avant l'enlèvement, j'arrivais mieux à la cerner, je la surprenais et l'énervais facilement, mais c'était voulu.

Le regard qu'elle avait dans l'ascenseur me fait mal. Plus que je n'oserais jamais l'admettre. Elle a l'air d'être dans un énorme fossé, coincée dans la pénombre cherchant en vain à en sortir. Elle se raccroche à moi grâce à l'amour, à mon pouvoir et une sorte de sécurité. Mais elle me repousse psychologiquement, car c'est de ma faute si on lui a pris sa fille.

S'en prendre à un enfant est la chose la plus abominable qu'un être humain puisse faire. Un parent ne peut jamais s'en remettre, c'est la chair de sa chair. Et dire que c'est en partie moi qui ai provoqué ça...

Je ne peux déjà pas me pardonner moi-même.

Comment pourrait-elle ne serait-ce qu'essayer ?

Heureusement, on arrive à l'accueil et j'arbore mon plus beau - faux - sourire en approchant l'hôtesse d'accueil de l'hôtel. Alana semble déconnectée de la réalité. Son corps est là, physiquement, mais ses yeux trahissent sa solitude psychologique. Que pense-t-elle ? Que ressent-elle ?

Alana, parle-moi.

J'ignore le mal-être qui me submerge pour m'adresser à la jeune femme derrière le comptoir qui me regarde avec des yeux séducteurs.

Un simple mot et j'ai la clé d'une des plus belles suites de l'hôtel, Alana a donné sa carte d'identité. Et j'ai payé en liquide.

On retourne dans l'ascenseur afin d'accéder au dixième étage. Cette fois-ci, chacun reste à sa place, dans un silence assourdissant et un mal-être palpable. 

LAWYEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant