Chapitre 42

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Point de vue : Alana

Mes poings frappent le punching-ball sans relâche. Des gouttes de sueur coulent du bord de ma chevelure et mes membres me crient d'arrêter. Pour autant, ma conscience me dicte de continuer. C'est le seul moyen de déverser toute ma colère sans blesser quiconque avec des mots. J'ai déjà assez donné à ce niveau, ne sachant pas si je pourrais un jour me regarder dans le miroir sans entendre les atrocités qui sont sorties de ma bouche.

Je stoppe mes mouvements en entendant des pas derrière moi. Mes mains immobilisent le punching-ball et je tourne la tête vers la silhouette qui avance prudemment dans le sous-sol du chalet. Reniflant, mes poings se serrent lorsque mes yeux rencontrent ceux de John. Bizarrement, mes membres sont prêts à se battre. Il me voit me figer et lève les mains en l'air, s'arrêtant à une bonne distance.

Non pas que je serais capable de faire preuve de violence envers lui. Je n'ai jamais été violente de ma vie, hormis lorsque je me suis retrouvée face à cet individu dans la chambre d'hôtel. Malgré ce qu'il a fait, je sais qu'il n'est pas une mauvaise personne en soi. Et puis, je me dis qu'il ne mérite pas que je me donne cette énergie pour lui.

Je me décale pour empoigner ma gourde et boire son contenant d'une traite, le regard toujours fixé au sien. John ne parle pas, entrouvrant ses lèvres de temps à autre, se balançant d'un pied à l'autre. Ses mains sont dans ses poches mais je vois qu'il les agite, mal à l'aise. Je réprime un rire en le voyant aussi gêné. L'était-il à ce point lorsqu'il s'est joué de ma fille devant ma maison ?

— Je... Adrian et Emilio sont partis... faire des courses. Ils en ont pour moins d'une heure.

Reposant ma gourde silencieusement, je me redresse et croise les bras contre ma poitrine. Aucun mot ne sort de ma bouche. J'apprécie le fait qu'Adrian me fasse assez confiance pour rester seule avec John dans un chalet. Néanmoins, il a pris un risque. John a beau se montrer coopératif, on ne sait pas vraiment si on peut lui faire confiance. Adrian semble lui accorder le bénéfice du doute mais pour ma part, et celle d'Emilio vu la façon dont il regarde, ce n'est pas demain la veille.

— Alana, écoute...

J'hésite à l'interrompre mais une part de moi veut entendre ce qu'il a à me dire. Des excuses, je n'en veux pas réellement car cela ne changera rien au passé, pourtant c'est la moindre des choses. Je veux qu'il s'excuse mais surtout qu'il m'explique ses raisons. Pourquoi ? Pourquoi Cléa ?

D'un regard il me jauge pour avancer vers le banc sur ma droite. Je recule d'un pas, m'adossant à la barre de squat. Il s'assied sur le banc, passe ses mains sur son visage et ses cheveux bruns avant de soupirer brusquement, comme s'il retenait sa respiration depuis un moment. Ses bras retombent lourdement sur ses cuisses. Il n'y a aucun doute sur le fait qu'il porte un lourd poids sur ses épaules. S'agit-il uniquement de culpabilité ?

Mon empathie et mon métier d'avocate ressortent en le voyant ainsi, mais j'ai trop côtoyé de personnes coupables pour ne pas me laisser berner.

— Je suis tellement... tellement désolé...

Sa voix se brise et il réprime un sanglot en fermant les yeux, créant un barrage aux larmes qui commencent à couler. Ma gorge se serre immédiatement et je lutte de toutes mes forces pour ne pas laisser mes émotions monter. Je laisse mon dos glisser contre la barre afin de m'asseoir au sol, les genoux repliés contre ma poitrine.

Je ne m'attendais pas à ce que John craque. Il est l'avocat le plus fort, le plus courageux et le plus téméraire qu'il m'ait été donné de rencontrer. Je parle de ça, bien évidemment avant l'affaire de Cléa. Je l'ai toujours vu comme un homme avec beaucoup de sang-froid, de contrôle sur ses sentiments. Lorsqu'il a eu des affaires très difficiles à gérer, de la pédophilie, des meutres, des viols, on apercevait à peine la fêlure dans son regard lorsqu'il mentionnait ses clients - sans nous raconter l'histoire, bien entendu, secret professionnel oblige .

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