Chapitre 46

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Point de vue :  Adrian

Les sons sont brouillés, lointains, grésillants. Ma tête tourne, mes sens sont désorientés. Tout ce que je peux faire c'est regarder ce liquide s'épandre sur le carrelage blanc. Les cris me parviennent tels des échos bien que le seul qui résonne dans ma tête soit le sien lorsque la balle a traversé son épiderme.

Comment en est-on arriver là ? Je ne peux pas perdre un membre de ma famille. Pas à cet endroit, pas à ce moment. Pas à cause de moi.

Je ne le supporterai pas.

20 minutes auparavant.

Je me concentre sur mes pas, j'aimerais éviter de craquer chaque branche qui se trouve sur le sol de terre.

Alana et John sont à ma droite, Emilio à ma gauche. Après réflexion, nous avons décidé de changer légèrement notre plan A pour le plan B. Comme l'a notifié Lio', si nous nous introduisons dans le bunker, l'un des hommes va obligatoirement prévenir la sécurité au sein de sa maison. Et si jamais ils ne retiennent pas les deux otages dans le bunker, ils auront alors le temps de s'enfuir avec l'un d'entre eux. Autrement dit, Emilio et moi allons entrer dans le bunker afin de chercher ma mère et neutraliser les hommes présents. Quand je dis neutraliser, il ne s'agit pas d'abattre mais de mettre hors d'état de nuire. Néanmoins, je sais d'avance que si je dois prendre la vie, je le ferai pour la vie de ma mère et celle de mes proches. Alana et John iront à la maison mais attendront le signal que l'on donnera grâce à l'oreillette que nous portons tous. Si jamais Cléa n'est pas dans le bunker, ils s'introduisent eux aussi au sein de la maison pour chercher la petite.

Ce plan n'est pas sans risque. À vrai dire, aucun plan auquel nous avons réfléchi se présentait sans risque. Ils ne nous auraient jamais rendu Cléa de manière gratuite. Pour m'atteindre, ils auraient fait du mal à n'importe qui, enfant, femme, peu importe.

Je tente comme je le peux d'ignorer la boule qui se forme dans le creux de mon estomac pendant que l'on parcourt les quelques mètres qui nous séparent du bunker. Alana m'a dit qu'elle m'aimait... Ses mots restent gravés dans ma mémoire, avec sa voix à la fois déterminée et attristée. Nous savons tous les deux que notre relation est sur un fil très léger. Et nous savons aussi que je pourrais ne jamais revenir de cette mission. Il est essentiel de se préparer à chaque éventualité. Même si ça nous déchire de l'intérieur.

Du coin de l'œil, je distingue mon meilleur ami. Mon frère de cœur. Emilio est venu pour m'aider à détruire mon géniteur. Lui-même n'a pas une vie de famille très facile et pourtant il a le cœur sur la main, prêt à aider les personnes qui comptent pour lui. S'il lui arrive quoi que ce soit ce soir, je ne m'en remettrai jamais. Je ne me le pardonnerai jamais.

Lorsque l'on atteint l'entrée du bunker, tout se déroule en un clin d'œil. Emilio pose les détonateurs. Quelques secondes passent. Un. Deux. Trois. Quatre. Mon meilleur ami me jette un regard indéchiffrable. Aucun retour en arrière. Cinq. C'est maintenant. Six. Un dernier regard pour Alana. Sept. Je mets tout mon amour dans ce regard pour le lui transmettre. Pour qu'elle sache que je l'aime éperdument. Huit. Son regard en dit long sur l'inquiétude qui l'oppresse. Pourtant, il est rempli de détermination. C'est une battante. Neuf. Nos quatre regards se croisent, tel un dernier au revoir silencieux.

Dix.

Nos têtes se tournent au moment où la porte explose et c'est à ce moment que le plan débute réellement. Où les émotions laissent place à l'action. Où la peur se fait contrôler par l'instinct. Où il n'y a plus de place pour le doute ni le regret.

Mes jambes s'actionnent sans que ma conscience s'en rende compte, et en un éclair je me tiens face aux escaliers menant au couloir du sous-terrain. Emilio dans mon dos, nous sortons tous les deux nos armes de poing en descendant les marches rapidement. Bien que mon cœur soit toujours du côté d'Alana, mon cerveau a mis de côté ma brune aux yeux clairs.

LAWYEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant