Chapitre 3, dans lequel un chasseur de lapins s'amuse à espionner les intrus

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Immobile dans les fourrés, un garçon n'avait rien manqué de l'arrivée des deux intrus dans son territoire de chasse. Venu pour relever les collets qu'il avait tendus dans l'espoir d'attraper un lièvre ou un lapin à queue blanche, Philibert Tremblay avait remarqué la voiture de Sécurpol stationnée là où la route avait foutu le camp dans la rivière. Un gars dans un drôle d'uniforme et une grande rousse athlétique discutaient près du véhicule et il avait pu comprendre que leur destination était le village fantôme.

Ses pièges n'avaient rien donné et il était bien trop tôt dans la saison pour cueillir des petits fruits, alors il avait décidé de s'amuser à pister les visiteurs. Avant de quitter les lieux, celui qui portait un genre d'uniforme de flic avait actionné le système d'autoprotection de la voiture. Philibert savait ce que cela impliquait. Son père l'avait mis en garde contre la cruauté de ceux qu'il appelait les Urbains. Dans sa bouche, ce nom sonnait comme une insulte, au point de cracher par terre chaque fois qu'il le prononçait. On ne pouvait jamais assez se méfier d'eux, insistait-il.

Philibert savait donc que, dès qu'il toucherait à une pièce métallique de la voiture, un puissant courant électrique traverserait son corps, assez fort pour le paralyser, l'assommer ou même le tuer. Il décida de s'en tenir loin. Il avait remarqué aussi les armes que l'homme portait en bandoulière et à sa ceinture et il n'avait aucune envie de lui servir de cible. Ça serait un bon exercice de réussir à les suivre tout en restant invisible.

Arrivé au lac, il observa le couple entrer dans la grande maison aux deux cheminées, celle qu'il préférait, la plus belle, celle où il aurait voulu habiter s'il avait vécu dans l'ancien temps. Il s'attendait à les voir ressortir de là bredouilles. Il l'avait visitée souvent lui-même et savait qu'elle avait été vidée de tout ce qui pouvait représenter une quelconque utilité et qui se déménageait facilement. Mais ils ne ressortirent pas.

Pourtant, à sa connaissance, il ne restait dans la maison que quelques meubles trop gros pour être transportés et quelques matelas éventrés sur lesquels il avait lui-même dormi à l'occasion... En s'approchant de la porte, il entendit leurs voix, mais il ne comprit rien à ce qu'ils racontaient.

Sa mère reprochait souvent à Philibert de faire montre de bien trop de curiosité pour ce que cela pouvait rapporter à son clan. Son père ajoutait qu'il avait plus de courage que de jugeote. Son père qui, selon sa mère, n'avait pas beaucoup de jugeote non plus. Il en avait conclu que ça devait être de famille... « De toute façon, Philibert, ta journée est foutue », se dit-il. Alors il entra, mais non sans avoir élaboré une stratégie de fuite en cas d'urgence. Si jamais le couple s'apercevait de sa présence, il pourrait toujours courir se réfugier dans le sous-sol d'une résidence voisine.

Les voix provenaient d'une pièce à l'arrière de la maison et il prit cette direction. Arrivé à l'escalier qui menait à la cave, il n'en crut pas ses yeux. Un trou était maintenant bien visible sur le mur du palier! Une porte? Il avait dû passer cent fois près de cette paroi sans même imaginer qu'elle dissimulait un passage secret. Il se rappela toutes les histoires de bunkers cachés qu'on lui avait racontées. En fait, plusieurs avaient été découverts, et même ici, dans ce village. Mais chaque fois, ils ne recelaient plus rien d'intéressant.

Il descendit les marches qui menaient au palier et regarda à l'intérieur du trou. Il traversa de l'autre côté, se pencha et aperçut, tout en bas, le flic et la rouquine. Il entendit « ... soit prête à la refermer si je t'en donne l'ordre. Vas-y! » Il vit alors la fille tirer la porte vers elle puis, pas longtemps après, les deux disparaître dans l'ouverture.

Il avait envie de les suivre, puis il se dit « Il faut que j'aille dire ça à Grand-mère, elle saura quoi faire ». Il remonta au pas de course et quitta la maison. Il était à peine à vingt minutes du campement de son clan.

« Ils n'en reviendront pas quand ils vont savoir ce que j'ai trouvé. Je vais devenir le héros du jour... du mois... Non! De l'année! » pensa-t-il.

*** Toutes les illustrations qui accompagnent ce roman ont été réalisées grâce à l'Intelligence Artificielle sur le site NightCafe Studio.

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